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L’ex-policier, arrêté quelques heures après la décision du Conseil d’Etat, doit être jugé en Argentine pour l’enlèvement présumé et la disparition d’un étudiant pendant la dictature.
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La famille d’Hernan Abriata attend ce moment depuis bientôt huit ans. Elle ne croyait presque plus voir l’assassin présumé du jeune militant en prison. Mais le Conseil d’Etat a validé, mercredi 11 décembre, l’extradition à Buenos Aires de l’ancien policier franco-argentin Mario Sandoval, accusé de la disparition du jeune homme pendant la dernière dictature argentine, en 1976. Après sept ans et neuf mois de procédure judiciaire et de recours, la décision est définitive, et l’extradition devrait intervenir dans un délai maximum de sept jours.
Mario Sandoval, 66 ans, tortionnaire présumé de la dictature (1976-1983), installé depuis 1985 à Paris et naturalisé français il y a vingt ans, a été arrêté quelques heures après la décision du Conseil d’État à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne) par les gendarmes de l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et les crimes de guerre, épaulés par le GIGN, l’unité d’élite de la gendarmerie.
La justice argentine, qui réclame son extradition à la France depuis mars 2012, soupçonne Mario Sandoval d’être à la tête de l’opération de police qui a arraché Hernan Abriata, un jeune militant du mouvement péroniste, de son domicile, le 20 octobre 1976. Il était âgé de 25 ans et marié depuis huit mois au moment de son enlèvement. Il avait ensuite été détenu à l’École de mécanique de la marine, le plus grand centre clandestin de torture de la dictature, par lequel sont passées environ 5 000 personnes qui ont ensuite disparu, souvent jetées depuis des avions dans l’océan.
Le 24 octobre 2018, après une très longue bataille judiciaire, le premier ministre français, Edouard Philippe, et la ministre de la justice, Nicole Belloubet, avaient signé le décret autorisant l’extradition de Mario Sandoval. Mais l’ancien policier de 66 ans, qui nie les accusations et estime les faits prescrits, avait immédiatement formé un recours devant le Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative française a donc estimé mercredi que le décret d’extradition était légal.
À Buenos Aires, la famille Abriata a laissé exploser sa joie. « Aujourd’hui, en apprenant la nouvelle, je l’imaginais menotté et dans une cellule, lui qui s’est toujours cru intouchable, hors d’atteinte de la justice, s’est exclamée Laura Abriata, la sœur de l’étudiant disparu, jointe au téléphone. C’est réconfortant de savoir que cette attente de huit ans est terminée, surtout pour ma mère, Beatriz, qui aura 93 ans le 25 décembre. Noël et l’anniversaire de ma mère auront cette année une saveur particulière. »
L’avocate de l’État argentin, Sophie Thonon-Wesfreid, a dit se « réjouir profondément de voir la fin de huit ans de procédure ». « J’espère qu’il sera envoyé à Buenos Aires dans les plus brefs délais pour qu’il s’explique enfin devant sa juridiction naturelle, qui est l’Argentine », a-t-elle ajouté.
L’ex-policier, qui craint « d’être privé en Argentine d’un procès équitable », a immédiatement saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour « violation par la France de ses engagements européens », a annoncé son avocat, Jérôme Rousseau. Mario Sandoval a demandé à la CEDH « d’ordonner au gouvernement français de ne pas mettre à exécution le décret d’extradition avant qu’elle ait pu statuer sur le recours », a précisé Me Rousseau dans un communiqué.
Le code de procédure pénale interdit d’extrader lorsque le crime est prescrit en droit français. Mais selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, validée le 24 mai par le Conseil constitutionnel, la prescription pour un crime de séquestration, réputé « continu », ne court qu’à partir du moment où le corps de la victime est retrouvé ou que le mis en cause a avoué. Or, l’étudiant disparu en 1976 n’étant pas réapparu depuis son enlèvement, les autorités françaises avaient estimé que l’infraction de séquestration n’avait pas pris fin à la date de la demande d’extradition.
Dans sa décision mercredi, le Conseil d’État a relevé que des actes d’état-civil argentins présentés par la défense de Mario Sandoval se bornaient « à présumer le décès de M. Abriata » ou « à établir son absence pour disparition forcée. (…) Dès lors, de tels actes ne permettent pas de considérer que la séquestration de M. Abriata aurait effectivement pris fin le 31 octobre 1976. »
Une extradition ne privera pas Mario Sandoval de ses droits à un procès équitable, au respect de la présomption d’innocence et à la sécurité juridique, a par ailleurs jugé le Conseil d’État, soulignant que l’ex-policier pourra « soumettre au juge pénal argentin les éléments qu’il estimera utiles » pour prouver son innocence.
« Tout ce que notre famille a toujours voulu, c’est qu’il aille dans une prison de droit commun après un procès en bonne et due forme, avec tous les droits constitutionnels qui lui correspondent, ce à quoi n’ont eu droit ni mon frère Hernan ni les 30 000 disparus de la dictature », soutient Laura Abriata.
Si elle ne s’est appuyée pour demander son extradition que sur le dossier Abriata, la justice argentine soupçonne en fait M. Sandoval d’avoir participé pendant la dictature à plus de 500 faits de meurtres, tortures et séquestrations.
Arrivé en France en 1985, reconverti depuis son arrivée en expert en intelligence économique, l’ancien policier a obtenu la nationalité française en 1997. Il a également été enseignant à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (Iheal) de la Sorbonne Nouvelle – un recrutement que des enseignants-chercheurs avaient « déploré » dans une lettre ouverte en 2017.
Décret d’extradition signé en octobre 2018
La justice argentine, qui réclame son extradition à la France depuis mars 2012, soupçonne Mario Sandoval d’être à la tête de l’opération de police qui a arraché Hernan Abriata, un jeune militant du mouvement péroniste, de son domicile, le 20 octobre 1976. Il était âgé de 25 ans et marié depuis huit mois au moment de son enlèvement. Il avait ensuite été détenu à l’École de mécanique de la marine, le plus grand centre clandestin de torture de la dictature, par lequel sont passées environ 5 000 personnes qui ont ensuite disparu, souvent jetées depuis des avions dans l’océan.
Le 24 octobre 2018, après une très longue bataille judiciaire, le premier ministre français, Edouard Philippe, et la ministre de la justice, Nicole Belloubet, avaient signé le décret autorisant l’extradition de Mario Sandoval. Mais l’ancien policier de 66 ans, qui nie les accusations et estime les faits prescrits, avait immédiatement formé un recours devant le Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative française a donc estimé mercredi que le décret d’extradition était légal.
« Une saveur particulière »
À Buenos Aires, la famille Abriata a laissé exploser sa joie. « Aujourd’hui, en apprenant la nouvelle, je l’imaginais menotté et dans une cellule, lui qui s’est toujours cru intouchable, hors d’atteinte de la justice, s’est exclamée Laura Abriata, la sœur de l’étudiant disparu, jointe au téléphone. C’est réconfortant de savoir que cette attente de huit ans est terminée, surtout pour ma mère, Beatriz, qui aura 93 ans le 25 décembre. Noël et l’anniversaire de ma mère auront cette année une saveur particulière. »
L’avocate de l’État argentin, Sophie Thonon-Wesfreid, a dit se « réjouir profondément de voir la fin de huit ans de procédure ». « J’espère qu’il sera envoyé à Buenos Aires dans les plus brefs délais pour qu’il s’explique enfin devant sa juridiction naturelle, qui est l’Argentine », a-t-elle ajouté.
L’ex-policier, qui craint « d’être privé en Argentine d’un procès équitable », a immédiatement saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour « violation par la France de ses engagements européens », a annoncé son avocat, Jérôme Rousseau. Mario Sandoval a demandé à la CEDH « d’ordonner au gouvernement français de ne pas mettre à exécution le décret d’extradition avant qu’elle ait pu statuer sur le recours », a précisé Me Rousseau dans un communiqué.
Le code de procédure pénale interdit d’extrader lorsque le crime est prescrit en droit français. Mais selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, validée le 24 mai par le Conseil constitutionnel, la prescription pour un crime de séquestration, réputé « continu », ne court qu’à partir du moment où le corps de la victime est retrouvé ou que le mis en cause a avoué. Or, l’étudiant disparu en 1976 n’étant pas réapparu depuis son enlèvement, les autorités françaises avaient estimé que l’infraction de séquestration n’avait pas pris fin à la date de la demande d’extradition.
« Prison de droit commun »
Dans sa décision mercredi, le Conseil d’État a relevé que des actes d’état-civil argentins présentés par la défense de Mario Sandoval se bornaient « à présumer le décès de M. Abriata » ou « à établir son absence pour disparition forcée. (…) Dès lors, de tels actes ne permettent pas de considérer que la séquestration de M. Abriata aurait effectivement pris fin le 31 octobre 1976. »
Une extradition ne privera pas Mario Sandoval de ses droits à un procès équitable, au respect de la présomption d’innocence et à la sécurité juridique, a par ailleurs jugé le Conseil d’État, soulignant que l’ex-policier pourra « soumettre au juge pénal argentin les éléments qu’il estimera utiles » pour prouver son innocence.
« Tout ce que notre famille a toujours voulu, c’est qu’il aille dans une prison de droit commun après un procès en bonne et due forme, avec tous les droits constitutionnels qui lui correspondent, ce à quoi n’ont eu droit ni mon frère Hernan ni les 30 000 disparus de la dictature », soutient Laura Abriata.
Si elle ne s’est appuyée pour demander son extradition que sur le dossier Abriata, la justice argentine soupçonne en fait M. Sandoval d’avoir participé pendant la dictature à plus de 500 faits de meurtres, tortures et séquestrations.
Arrivé en France en 1985, reconverti depuis son arrivée en expert en intelligence économique, l’ancien policier a obtenu la nationalité française en 1997. Il a également été enseignant à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (Iheal) de la Sorbonne Nouvelle – un recrutement que des enseignants-chercheurs avaient « déploré » dans une lettre ouverte en 2017.
Angeline Montoya
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