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« LA FORCE DU PEUPLE »: LE SLOGAN DE L'AFFICHE DE LA MPAGNE DE JEAN-LUC MÉLENCHON |
TRIBUNE. Jean-Luc Mélenchon voulait faire de sa campagne un exercice d’« éducation populaire ». Dans leur style, ses adversaires les plus acharnés l’ont pris au mot. Grâce à eux, les Français en âge d’avoir vécu cette période peuvent se remémorer les cris d’alarme proférés à l’approche du 10 mai 1981. Les plus jeunes découvrent ce qui arrive lorsque la main visible de l’État se rapproche dangereusement de la répartition des dividendes : à la « une » du Figaro ou chez les prophètes de la City, rien moins que la promesse de l’apocalypse.
MICHAËL FŒSSEL |
L’emballement des sondages à quelques encablures du premier tour n’est pas propice à une pédagogie nuancée. Dans l’urgence, on présente les choix géopolitiques de Mélenchon (sans aucun doute discutables) comme des choix de société. Sous prétexte qu’il propose d’établir des liens diplomatiques étroits avec ces pays, on prétend qu’il veut faire Cuba ou la Russie en France. Nicolas Sarkozy, François Hollande et les candidats qui prennent leur suite dans cette élection ont fait des choix stratégiques opposés en privilégiant les accords avec le Qatar et l’Arabie saoudite. Il est rare que l’on en conclue à leur volonté d’imposer le wahhabisme en France.
L’opposition de la CFDT et du Medef
LAURENT BERGER |
Il fut un temps où la CFDT accomplissait un effort salutaire pour définir sérieusement le totalitarisme. Dans les années 1970, la deuxième gauche analysait les réactions les plus violentes à l’incertitude démocratique : identification de l’État et du parti, criminalisation du conflit, négation du droit par une bureaucratie omnipotente, mythe d’une société homogène réunie autour d’un prétendu savoir sur le sens de l’histoire.
CLAUDE LEFORT ILLUSTRATION GUILLEM CIFRÉ |
« TOTALITAIRES, LA CONVOCATION D’UNE ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET LA RUPTURE AVEC UN PRÉSIDENTIALISME À BOUT DE SOUFFLE ? »
Mais il faut ne rien avoir lu de son programme pour ne pas voir que, là où il se trouve sur l’échiquier politique, Mélenchon a intégré cette tradition. Totalitaires, la convocation d’une Assemblée constituante et la rupture avec un présidentialisme à bout de souffle ? Totalitaire, la promotion d’un régime parlementaire ? Totalitaires, la suspension de l’état d’urgence, la sanctuarisation du droit du sol, la garantie institutionnelle du pluralisme médiatique, de l’égalité entre les hommes et les femmes et des droits des minorités ? La liste serait longue encore des mesures préconisées par le candidat et qu’aucun parti n’a osé inscrire à son programme de peur, justement, d’être taxé de bien-pensance «antitotalitaire » et « droit-de-l’hommiste ».
Une conscience du tragique de l’histoire
EMMANUEL KANT ILLUSTRATION ALEXEI TALIMONOV |
JEAN-JACQUES ROUSSEAU ILLUSTRATION ALEXEI TALIMONOV |
L’autoritarisme du programme de La France insoumise est, au mieux, une hypothèse. En revanche, le devenir autoritaire des États où règne une dérégulation économique sans frein est un fait. Avant de sacrifier le fait à l’hypothèse, il faudrait se demander ce qu’il est urgent d’accomplir pour rendre à nouveau la liberté désirable dans des sociétés rongées par les inégalités et le ressentiment.
Jean-Luc Mélenchon est le seul à poser ce problème parce que, à la différence de ses concurrents, il a visiblement conscience du tragique de l’histoire. On a suffisamment glosé sur ses qualités de tribun pour être attentifs aux instants où il se tait. Comme à Marseille où, au début d’un discours consacré à la paix, il a fait observer une minute de silence à la mémoire des migrants noyés
dans la Méditerranée. Il faut reconnaître que, pour un démagogue sans vergogne, Mélenchon pratique des gestes dont le bénéfice électoral n’a rien d’évident.
« SES “EXCÈS” DÉCOULENT DE SON CHOIX DE FAIRE D’UNE CAMPAGNE ÉLECTORALE DU XXIE SIÈCLE AUTRE CHOSE QU’UN SPECTACLE»
C’est dans ce genre de gestes apparemment impopulaires qu’il faut rechercher les raisons de sa popularité, et non dans l’inconscient totalitaire d’une partie de la société française subitement convertie au chavisme. Mélenchon s’adresse aux gens, il ne segmente pas son discours en fonction des préjugés de ceux auxquels il s’adresse. Ses « excès » découlent de ce choix de faire d’une campagne électorale du XXIe siècle autre chose qu’un spectacle qui, à part le visage du vainqueur, laisse toutes choses inchangées.
S’il cède à un volontarisme aux accents révolutionnaires, c’est parce qu’il mise sur une refondation institutionnelle plutôt que sur le gouvernement des hommes par les nombres. Si son programme apparaît parfois irréaliste, c’est parce qu’il refuse de confondre le réel avec le calculable. S’il lui arrive d’être outrancier, c’est parce qu’il parle une langue plutôt que le sabir incompréhensible des communicants.
Cette manière de faire de la politique peut éveiller des doutes ; elle a au moins le mérite de libérer provisoirement la France du face-à-face entre globalisation heureuse et violence identitaire. Il sera bien temps de ressortir les mots d’ordre de l’antitotalitarisme si jamais ce face-à-face se transforme en une alternative dont l’issue, hélas, est prévisible.
PAULETTE GODARD, AVEC “LE COUTEAU ENTRE LES DENTS”.
CHAPLIN, VIVANT AUX ETATS-UNIS, SAVAIT-IL QUE CETTE
IMAGE ÉTAIT LE SYMBOLE MÊME DE L’ANTICOMMUNISME
EN EUROPE
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