Votée par le Parlement européen le 18 juin, la directive vise à harmoniser les règles d'expulsion des sans-papiers. Elle prévoit une rétention administrative pouvant aller jusqu'à dix-huit mois et le bannissement de tous les pays de l'UE pendant cinq ans. Ces dispositions s'appliqueraient aussi aux mineurs.
C'est au président bolivien, Evo Morales, que revient l'initiative des protestations latino-américaines. Les Boliviens constituent une importante communauté immigrée en Espagne. Le 9 juin, M. Morales a adressé une lettre ouverte à l'UE, reprise par plusieurs journaux, condamnant la "directive de la honte". Sa lettre rappelle que "les Européens sont arrivés massivement dans les Amériques sans visa ni conditions imposées par les autorités", en vue d'"exploiter les richesses et de les transférer en Europe".
Les immigrés se rendent aujourd'hui dans l'UE "pour contribuer à sa richesse, et non pas pour en tirer profit", dans la mesure où ils occupent "des emplois dans le BTP, les services aux personnes ou dans les hôpitaux, des postes que les Européens ne peuvent pas ou ne veulent pas occuper", ajoute la lettre du président bolivien. M. Morales a menacé de bloquer les négociations entre la Communauté andine des nations et l'UE, et d'exiger des visas aux Européens voulant se rendre en Bolivie.
"VIOLATION DES DROITS HUMAINS"
Le président équatorien, Rafael Correa, a appelé les pays d'Amérique latine à "donner une réponse commune" à ce qu'il qualifie d'"agression". Les Equatoriens sont nombreux en Espagne. La plupart des immigrés latinos vivent aux Etats-Unis, mais 15 % des fonds envoyés aux familles proviennent d'Europe. Dans le cas de la Bolivie, ces remesas représentent 10 % du produit intérieur brut.
Les protestations ne se limitent pas aux pays qui connaissent une forte émigration à destination de l'Europe. "Le Brésil, qui a accueilli des millions d'immigrés dont les descendants sont aujourd'hui harmonieusement intégrés dans la société, regrette une décision qui contribue à créer une perception négative des migrations", souligne une déclaration de Brasilia.
Selon le ministre argentin des relations extérieures, Jorge Taiana, la directive de l'UE "constitue une violation des droits humains fondamentaux". Au Chili, une note officielle renchérit : "Le nouveau texte tend à criminaliser les migrants irréguliers et les soumet à des procédures qui peuvent violer leurs droits élémentaires et empêcher le regroupement familial, principe consacré par plusieurs normes internationales des droits de l'homme."
De son côté, le ministre péruvien des relations extérieures, José Garcia Belaunde, estime que la directive "contredit ce que nous avons discuté pour protéger les droits de l'homme des migrants latino-américains", lors du cinquième sommet Union européenne-Amérique latine, qui s'est tenu à Lima, le 16 mai.
Louise Arbour, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Amnesty International, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme, la Confédération européenne des syndicats et les Eglises, avaient également critiqué la "directive retour".