La grande manifestation annuelle du cuivre, la 9 e conférence CRU/Cesco, organisée à Santiago dans l’hôtel Grand Hyatt, a été saluée par une nouvelle poussée du cours de la tonne de métal rouge qui, ayant franchi le seuil symbolique de 8 000 dollars par tonne, n’est plus qu’à 10% de son record de 8 940 dollars établi en juillet 2008. L’atmosphère générale était particulièrement optimiste, ont rapporté observateurs et journalistes présents à cet évènement.
« Avant tout, ce que je vois, est que tous ceux qui peuvent produire du cuivre en produisent et réalisent leur projets », résumait Andrew Harding, le responsable de la branche cuivre de Rio Tinto, interrogé par Reuters. Le mineur diversifié anglo-australien va peiner pour maintenir une production annuelle de 800 000 tonnes suite à une baisse de qualité du minerai extrait. Dés 2013 cependant la mise en production du gisement géant d’Oyu Tolgoi en Mongolie lui permettra d’augmenter son offre. L’objectif de production annuelle est de 450 000 tonnes de cuivre et 330 000 onces d’or. Pour 2011 le mineur prévoit un marché du cuivre en net déficit après un marché équilibré en 2010. Une prévision partagée par la banque centrale chilienne et Cochilco, le très prudent organisme chilien du cuivre, qui ont remonté leurs prévisions de cours pour les années à venir.
Le numéro un mondial du cuivre, Codelco, va accroitre ses investissements a déclaré son directeur exécutif, Jose Pablo Arellano. L’entreprise d’Etat chilienne va investir 3 milliards de dollars par an pendant cinq ans pour compenser une production qui stagne ou s’effrite depuis plusieurs années. La consommation de cuivre raffiné devrait s’apprécier en 2010 de 5,4% par rapport à l’année précédente a souligné Arellano. Quant à la hausse annoncée des royalties sur la production minière pour financer la reconstruction du pays, le nouveau ministre des Mines, Laurence Golborne, a déclaré s’y opposer. Il faudra trouver un équilibre entre les besoins en investissements de Codelco et la reconstruction, a concédé Golborne. Le ministre prévoit une production chilienne en forte hausse, 7 Mt à la fin de la décennie, contre 5 Mt actuellement.
Face à une demande très solide à moyen terme, le marché du cuivre va continuer de subir d’importantes contraintes de son offre, a mis en garde Charles Sartain, le directeur de la branche cuivre de Xstrata, le géant minier diversifié anglo-suisse. Xstrata va investir massivement au Pérou, notamment dans sa joint-venture Antamina pour porter sa production à 1,5 million de tonnes (Mt), soit une hausse de 60%. « Lors des quatre ou cinq prochaines années notre croissance organique recevra un investissement de 14 milliards de dollars », a précisé Sartain. Le projet de Tampakan aux Philippines recevra 5,2 milliards de dollars et pourrait entrer en production dès 2016.
Southern Copper, envisage d’émettre entre 500 millions et 1,5 milliard de dollars d’obligations pour financer ses investissements, a déclaré son directeur exécutif, Oscar Gonzales. Des obligations qui auraient une maturité de 30 ans, a indiqué la filiale de Grupo Mexico. Les investissements seront utilisés pour accroitre les capacités des mines au Pérou et au Mexique. La production du groupe en 2010 devrait être stable à 500 000 tonnes, a indiqué Gonzales, qui table sur un prix moyen de la tonne de cuivre de 7 200 dollars. La production mexicaine devrait atteindre 250 000 tonnes en 2010, contre 238 400 tonnes en 2009.
Prudence de certains mineurs
« La plupart des projets connus exigent un prix à long terme de 2,20 dollars par livre (4 410 dollars par tonne) », et notre industrie n’est pas convaincue que le cuivre se maintiendra à ce niveau sur une longue période », met en garde le directeur exécutif d’Antofagasta, Marcelo Awad. Le patron du mineur chilien coté à Londres explique que les banques rechignent à financer les projets. Bien que se prétendant optimiste, Richard Adkerson, le directeur de FreeportMcMoRan, le deuxième producteur mondial de cuivre, craint que la faiblesse de la reprise aux Etats-Unis ne ralentisse la remontée en puissance de ses capacités de production. Si la Chine a tiré le prix du cuivre à un niveau justifiant tous nos investissements, deux tiers des marchés – Etats-Unis, Europe et Japon – demeurent fragiles, indique Adkerson. En 2010 le géant minier investira 1,7 milliard, plus qu’en 2009 mais en retrait de 30% par rapport à 2008.
BHP Billiton, le premier mineur diversifié qui opère la plus importante mine du monde, Escondida au Chili, est également prudent. Diego Hernandez, le responsable de sa division métaux de base, a annoncé une baisse de l’investissement prévu dans Escondida, de 5 à 2,5 milliards de dollars, suite à l’envol des coûts des capitaux. « La structure des coûts requière des prix plus élevés à moyen-long terme car les projets concernent des minerais à plus basse teneur et à coûts d’extraction plus élevés », a-t-il précisé. Escondida devrait produire 1,08 Mt en 2010, un niveau qui restera stable jusqu’en 2012 a indiqué Hernandez.
Le mineur canadien Exeter Resource a confirmé être en négociations avec de grandes sociétés. « Nous avons des accords confidentiels avec Newmont, Barrick, Kinross et quelques sociétés chinoise », a confirmé le chef géologue de la société d’exploration, Glen Van Kerkvoort. Exeter possède le projet minier de Caspiche, or, argent et cuivre. Pour John MacKenzie, le responsable de la division cuivre d’Anglo American, c’est le moment de creuser et pas de faire des acquisitions. Toutefois, le groupe anglo-sud africain devrait voir sa production reculer légèrement en 2010 par rapport aux 669 800 tonnes produites en 2009.
Le retour de la question sociale
La pénurie de travailleurs qualifiés dans les zones minières traditionnelles pourrait lourdement impacter la production minière et à nouveau ralentir le développement des nouveaux projets. Si les producteurs d’engins miniers sont prêts à répondre à la hausse de la demande, il n’en est pas de même au niveau humain. Les ressources humaines sont aussi tendues qu’avant la crise, indique Charles Sartain. Au Pérou, Xstrata est obligé de transférer la même équipe de site en site, souligne Sartain. Toutefois, la crise financière a permis aux entreprises de souffler et elles sont aujourd’hui mieux armées, estime Andrew Harding. Le directeur de Rio Tinto craint cependant que les projets dans le minerai de fer ou la bauxite, moins couteux, ne soient favorisés aux dépends de ceux du cuivre.
Richard Adkerson souligne que le transfert des pays miniers traditionnels, Etats-Unis et Canada, vers les nouveaux pays, Chili, Indonésie et Pérou, va ouvrir de nouvelles opportunités aux travailleurs qualifiés. FreeportMcMoRan a réduit de 30% le nombre de ses salariés aux Etats-Unis mais a pris soin de garder les plus qualifiés. Le mineur craint toutefois de manquer de main d’œuvre pour ses nouveaux projets. La situation est particulièrement tendue au Chili après le séisme qui a ravagé le sud du pays. La moitié des ouvriers autorisés par Antofagasta à quitter la mine pour reconstruire leurs maisons n’est pas revenue et la firme a dû procéder à 400 nouvelles embauches. La situation sera pire l’an prochain met en garde Marcelo Awad.
Les budgets d’exploration minière ont subi leur plus forte baisse depuis une vingtaine d’années à 7,32 milliards de dollars (12,6 milliards en 2009), indique Metals Economics Group. La majorité des investissements se sont concentrés sur les sites en activité et 70% des dépenses ont été faites par les majors, précise le consultant. L’or a reçu 48% des investissements et les métaux de base 36%. En 2010 le regain de forme des juniors devrait entrainer une hausse de 35 à 40% des investissements dans l’exploration, estime MEG.