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NI OUBLI
NI
PARDON
ASSASSINS
Le Honduras commémore un an du coup d'État sous climat de tension. Photo AFP
Un an jour pour jour après le coup d'État, le Honduras n'est pas parvenu à retrouver le calme et la stabilité politique. L'élection de Porfirio Lobo Sosa à la présidence en novembre n'a pas mis fin à la crise politique, mais a plutôt exacerbé les tensions. Aujourd'hui, la société civile inaugure sa propre commission d'enquête sur les événements entourant le coup d'État. La création de la Vraie Commission, comme on l'a appelée, a reçu l'assentiment de divers organismes internationaux, inquiets de la situation problématique que vit le petit pays.
Cette crise, qui couvait, a commencé dans la nuit du 28 juin 2009, alors que la Cour constitutionnelle a demandé à l'armée de démettre le président dûment élu, Manuel Zelaya, officiellement parce qu'il voulait consulter la population sur la possibilité de changer la Constitution. Les militaires ont simplement expulsé le président du pays. Ce dernier est revenu clandestinement au pays et s'est réfugié à l'ambassade du Brésil à Tegucigalpa.
Le petit pays, d'un peu moins de huit millions d'habitants, a ainsi perdu sa crédibilité aux yeux de pratiquement tous les pays du monde, et le gouvernement est aujourd'hui à la recherche d'une légitimité, quelques pays seulement ayant reconnu le résultat du scrutin de novembre. Ainsi, le gouvernement Lobo n'a été reconnu explicitement ni par l'Union européenne, ni par le Mercosur, ni par la plupart des pays d'Amérique latine. L'Organisation des États américains (OEA) n'a pas levé la suspension du Honduras qu'elle a imposée au moment du coup d'État. Seuls les États-Unis, le Canada, le Panama, le Mexique et la Colombie ont pour leur part reconnu le nouveau gouvernement.
Et le climat social ne cesse de se dégrader. Une dizaine de journalistes ont été assassinés depuis un an, particulièrement à San Pedro Sula, à La Ceiba et à Tegucigalpa. Les dirigeants de syndicats et d'organisations paysannes ne sont pas en reste. Des «escadrons de la mort» ont réapparu et, à ce jour, les organisations populaires ont documenté 21 cas d'assassinats sélectifs depuis janvier.
Par ailleurs, il n'aura fallu à l'armée que quelques mois pour sortir de nouveau des casernes qu'elle avait réintégrées peu après l'élection de Lobo Sosa et pour se rendre à Tocoa où des paysans occupaient des terres pendant que des négociations sur la tutélarisation de la terre se déroulaient entre le gouvernement et les organisations paysannes de cette région.
La situation qui prévaut au Honduras est suivie de très près par les autres pays d'Amérique latine, qui ont été surpris l'an dernier qu'un coup d'État nouveau genre puisse encore survenir sur le continent. L'implication du géant Brésil en juin 2009 n'est pas innocente. Le Honduras a ravivé de vieux démons et, à cause des revendications populaires de plus en plus fortes dans plusieurs pays, on craint la contagion hondurienne.
Une autre commission
C'est donc dans ce contexte que débutent aujourd'hui les travaux de la Vraie Commission qui témoigne par sa composition du sérieux de sa démarche. Il existe déjà une Commission de la vérité et de la réconciliation gouvernementale que Lobo Sosa a mise sur pied dans la foulée de l'accord survenu entre les putschistes et le gouvernement déchu, sous les auspices du Costa Rica. Outre le fait que le président ne parle jamais de réconciliation depuis qu'il est au pouvoir, fait valoir l'opposition, le processus de mise sur pied et la composition même de cette commission posent problème: aucune consultation n'a précédé sa création, particulièrement auprès des proches des victimes des événements. Quant à ses membres, mentionnons la présence à la commission du Canadien Michael Kergin, ancien diplomate et avocat chez Bennett Jones LLP, un cabinet représentant plusieurs compagnies minières actives au Honduras.
Le mandat de la commission gouvernemental a été restreint par décret de l'exécutif à la «crise politique» et ne se penchera pas sur les responsabilités de l'État, de l'administration publique. Elle n'a aucun pouvoir légal, et les comparutions se feront selon le bon vouloir des fonctionnaires.
Les principales organisations de défense des droits de la personne (CDM, CIPRODEH, CODEH, COFADEH, CPTRT et FIAN) se sont donc unies pour créer la «Plataforma de derechos humanos», qui a organisé la nouvelle commission qui siégera sporadiquement jusqu'au deuxième semestre de 2011. Sa composition est impressionnante: Elsie Monje, de l'Équateur, qui a participé aux travaux d'une commission similaire dans son pays et qui fut candidate pour le prix Nobel de la paix en 2006, Nora Cortiñas, de l'Argentine, Luis Carlo Nieto, du Honduras, le professeur canadien et avocat réputé Craig Scott, le père Fausto Milla, du Honduras, l'écrivaine Helen Umana, Antonieta Perla Jimenez, membre de la Cour suprême du El Salvador, le prêtre belge Français Houtart et le juriste costaricain Francisco José Aguilar.
Alors que le Front populaire, qui s'est manifesté, lors du coup d'État, a réussi à s'établir sur un plan national, la Vraie Commission est une autre manifestation de la volonté de la société civile du Honduras de combler le vide laissé par les élites politiques. Et le Canadien Craig Scott, dont ce n'est pas la première participation à une commission, de dire: «Lorsque les gens s'organisent, j'ai tendance à écouter, car plus de vérité est préférable à moins de vérité.» Le juriste espère que cette commission contribuera à mettre davantage de pression sur le gouvernement Lobo pour l'amener à réviser certaines de ses politiques et qu'elle assurera au pays un climat assaini.