samedi 17 novembre 2012

CADIX : ESPAGNE ET AMÉRIQUE LATINE ÉCHANGENT LEURS RÔLES

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LE MILLIARDAIRE CONSERVATEUR SEBASTIÁN PIÑERA, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CHILI À CADIX LORS D'UNE CONFÉRENCES DE PRESSE  EN PLEINE RUE. PHOTO  ALEX IBAÑEZ

A sa naissance, en 1991, ce sommet était l'un des rares auxquels participaient les pays latino-américains. L'Espagne, la « mère patrie », se voulait une référence pour ses anciennes colonies, qui sortaient de la « décennie perdue » des années 1980 à cause de la crise. Son entrée dans l'Union européenne et sa transition démocratique, après la mort de Franco, en faisaient le modèle à imiter.

CHASSE GARDÉE

En position de force, Madrid cultivait ses relations avec un continent qu'elle considérait comme sa chasse gardée et ses grandes entreprises, comme les banques Santander ou BBVA, Telefonica ou la compagnie pétrolière Repsol, y prenaient position.

Mais aujourd'hui, l'Espagne ne fait plus rêver les nations émergentes d'un continent qui affiche une croissance enviable, quand la vieille Europe est en récession. Et c'est la péninsule qui appelle à l'aide, en espérant que se multiplient les investissements comme celui qu'a annoncé, cet été, l'entreprise mexicaine Pemex : la construction de deux navires hôtels dans les chantiers navals de Galice. Un projet qui donnera du travail durant trente mois à 3 000 personnes dans un secteur qui n'a pas signé de nouveaux contrats depuis cinq ans et a perdu 7 000 emplois en deux ans.

Pour cela, Madrid essaie de changer de rôle dans une région où la Chine est de plus en plus présente. "Le développement ne peut pas se baser seulement sur l'exportation des matières premières. L'Espagne et le Portugal peuvent apporter de la technologie, des bonnes pratiques, un stock d'investissements et une porte d'entrée pour ses investissements croissants en Europe", a insisté Jesus Garcia, secrétaire d'Etat espagnol en charge de la coopération et du monde ibéro-américain, à la veille du sommet. Pour le ministre des relations extérieures, José Garcia Margallo, « l'Espagne doit être une plate-forme pour les entreprises latino-américaines qui souhaitent investir en Afrique du Nord ».

L'AMÉRIQUE LATINE A-T-ELLE ENCORE BESOIN DE L'ESPAGNE ?

Mais l'Amérique latine a-t-elle encore besoin de l'Espagne ? Le Brésil, devenu la sixième puissance économique mondiale, peut se passer de son intermédiaire. Tout comme le Chili, dont le produit intérieur brut par habitant est proche de la moyenne européenne, et le Pérou, qui croît à un rythme soutenu. « Les sociétés latino-américaines ont évolué, leurs économies sont en pleine croissance, les destinations des exportations se sont diversifiées vers les marchés asiatiques et les formes démocratiques se sont consolidées », souligne le directeur de l'Institut d'études latino-américaines de l'université d'Alcala de Henares, Pedro Perez Herrero. Après des années durant lesquelles des centaines de milliers de Latino-Américains sont venus participer à la fiesta du boom immobilier, « l'Espagne a cessé de représenter un objet de désir ».

Avec la crise, les migrants d'hier ont commencé le voyage du retour, faute de trouver un emploi en Espagne, où un quart de la population active est au chômage. Et les Espagnols leur emboîtent le pas. Ce n'est pas le gouvernement espagnol qui les découragerait, lui qui ne cesse d'inciter les PME espagnoles à suivre les traces des multinationales qui réalisent en Amérique latine l'essentiel de leurs bénéfices.

Pour cela, l'Espagne veut garantir la sécurité juridique des investissements, alors que la récente nationalisation d'YPF, filiale du pétrolier espagnol Repsol en Argentine, par le gouvernement péroniste de Cristina Kirchner a effrayé les chefs d'entreprise et provoqué une crise diplomatique. Pour le chercheur en chef de l'institut de géopolitique Elcano, Carlos Malamud, « la crise de 2008 a donné des munitions à ceux qui bombent le torse face à une Espagne décadente ».