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LA PRÉSIDENTE DU CHILI, MICHELLE BACHELET, ACUEILLE LE NOUVEAU MINISTRE DES FINANCES, NICOLAS EYZAGUIRRE, AU PALAIS PRÉSIDENTIEL DE LA MONEDA, À SANTIAGO, LE 31 AOÛT 2017. PHOTO SEBASTIÁN RODRÍGUEZ
Par Carolina RosendornLes ministres de l’économie et du budget ont démissionné à la suite du frein mis par la présidente à un projet minier controversé.
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Défendu avec véhémence par M. Valdes, le premier des ministres à quitter le navire, le projet d’investissement minier d’environ 2 milliards d’euros du conglomérat chilien Andes Iron, appelé « Dominga », visait à installer deux mines d’extraction de fer et de cuivre dans la région de Coquimbo, dans le nord du pays.
L’ambitieux projet, décrié par les défenseurs de l’environnement qui y voyaient un danger pour la biodiversité de cette région, avait provoqué un tollé au sein du gouvernement. Les ministres de l’environnement, de la santé et de l’agriculture s’y étaient opposés. Tranchant le débat, Mme Bachelet a ouvertement soutenu les opposants, affirmant qu’elle préférait « ne pas faire du développement dans le dos des gens », dans une déclaration révélatrice de la fracture au sein de son propre camp.
Une pilule dure à avaler
Le 21 août, un comité ministériel avait rejeté le projet, estimant qu’il ne garantissait pas la sécurité d’une réserve nationale située à 30 km de sa zone d’implantation, à La Higuera, foyer de 80 % des manchots de Humboldt, une espèce en danger d’extinction. Dominga « échoue à prendre en charge de manière adéquate l’impact potentiellement significatif sur l’environnement et la santé des populations, particulièrement en matière de qualité de l’air, de pollution lumineuse et sonore et de risques d’accident et de déversement portuaires », avait alors estimé le ministre de l’environnement, Marcelo Mena.
La pilule a été dure à avaler pour le ministre du budget, qui a considéré une semaine plus tard à ce propos que « certains ne font pas de la croissance [économique] une priorité ». Le développement du Chili, principal producteur de cuivre au monde, repose largement sur l’activité minière. Mme Bachelet a fermement répondu à son ministre que la croissance au Chili devait aller « de pair avec la protection de l’environnement ».
Rester dans la mémoire du pays
Ces différends entre la présidente – dont il s’agit du neuvième remaniement ministériel depuis son retour à la présidence en 2014 (après un premier mandat entre 2006 et 2010) – et son cabinet économique mettent en évidence « les tensions au sein du gouvernement dus à la coalition de forces politiques, d’un côté libérales et de l’autre progressistes, qui y cohabitent », explique Antoine Maillet, chercheur associé à l’Institut d’affaires politiques de l’université du Chili, en référence à la coalition de centre gauche au pouvoir, Nueva Mayoria.
Ces tensions, explique le chercheur, ont mis en difficulté Mme Bachelet, qui a vu sa popularité chuter à 32 % depuis sa réélection, mais également le ministre des finances, historiquement considéré au Chili comme le garant de la stabilité du pays. Depuis le retour de la démocratie en 1990, à la suite de la dictature militaire meurtrière d’Augusto Pinochet (1973-1990), aucun gouvernement n’avait remplacé ce ministre en cours de mandat. Sauf Mme Bachelet, qui l’a fait deux fois au cours de ces quatre dernières années.
« Le message qu’elle donne est qu’elle n’est pas prête à embrasser la croissance à tout prix », estime M. Maillet, qui juge que le remaniement pourrait avoir un effet positif sur l’image de la présidente auprès des Chiliens, bien qu’elle soit empêchée par la Constitution de se représenter à l’élection présidentielle du 19 novembre. Le scrutin semble gagné d’avance pour le candidat de droite, l’ex-président Sebastian Piñera, favori dans les sondages. « Elle s’est montrée ferme, renforçant le discours écologiste sur lequel elle avait été réélue », soutient le chercheur. Mais pas suffisamment pour changer la donne en faveur du candidat de Nueva Mayoria, Alejandro Guillier, dont les électeurs se sont considérablement dispersés en raison des divergences au sein de la coalition.
« Ce qui importe [à Michelle Bachelet], c’est de rester dans la mémoire du pays, son héritage », affirme M. Maillet. En témoignent les réformes sociales entreprises ces derniers mois, dont la dépénalisation partielle de l’avortement, approuvée le 2 août après plusieurs mois de débats, et le projet de loi qu’elle a soumis au Congrès lundi 28 août pour ouvrir le mariage aux couples homosexuels, qui étaient deux promesses de campagne.