jeudi 30 novembre 2017

EN ARGENTINE , DES TORTIONNAIRES DE LA DICTATURE CONDAMNÉS

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JORGE ACOSTA ET ALFREDO ASTIZ, À BUENOS AIRES. 
LES DEUX ANCIENS CAPITAINES DE FRÉGATE 
 ONT ÉTÉ CONDAMNÉS À PERPÉTUITÉ. 
 PHOTO MARCOS BRINDICCI 
Des peines de réclusion à perpétuité ont été prononcées contre 29 personnes, mercredi, lors du plus grand et le plus long procès de l’histoire du pays.
JORGE «LE TIGRE» ACOSTA ET ALFREDO ASTIZ 
 ONT ÉTÉ CONDAMNÉS À PERPÉTUITÉ. 
PHOTO  LEANDRO TEYSSEIRE
Avec 54 accusés de violations des droits de l’homme, 789 victimes et plus de 800 témoins, le plus grand et le plus long procès de l’histoire argentine s’est terminé, mercredi 29 novembre, avec des peines de réclusion à perpétuité pour 29 des anciens tortionnaires de la dictature militaire (1976-1983). Trente mille personnes ont disparu pendant les « années de plomb », selon les associations des droits de l’homme. Parmi les accusés condamnés à la prison à vie se trouvent des figures emblématiques, comme les anciens capitaines de frégate Alfredo Astiz et Jorge Acosta. Six accusés ont été acquittés et les autres ont été condamnés à des peines allant de 8 à 15 ans de prison.

« LE CAPITAINE ASTIZ, ANTENNE 2 LE JOURNAL DE 20H, 18 MAI 1982  »
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Ce procès qui s’est ouvert en novembre 2012 constituait le troisième volet du « Mégaprocès » sur les crimes commis dans l’enceinte de l’Ecole mécanique de la marine argentine (ESMA), le plus grand centre de tortures, en plein Buenos Aires, pendant le régime militaire. On estime que quelque 5 000 personnes y ont disparu. Pas plus de 200 ont survécu. Pour la première fois, huit pilotes des « vols de la mort », au cours desquels les prisonniers politiques, drogués pour être endormis, avaient été jetés dans le fleuve Rio de La Plata ou dans la mer depuis des avions militaires, étaient jugés. Quelque 4 000 personnes ont ainsi disparu.

Alfredo Astiz, 66 ans, a écouté le verdict, impassible, dans la salle du tribunal où se trouvaient des survivants de la dictature et des défenseurs des droits de l’homme. A l’extérieur, des centaines de personnes ont suivi, pendant des heures, dans la rue, la retransmission sur des écrans géants de la lecture des sentences. Certains arboraient des pancartes avec des photos des 54 accusés, ornées de la lettre « P » pour « perpétuité ».

« Gênants groupes résiduels »

Surnommé « le Corbeau » ou « l’Ange blond de la mort », Alfredo Astiz, 66 ans, était notamment accusé des assassinats des deux religieuses françaises Léonie Duquet et Alice Domon, et de la fondatrice des Mères de la place de Mai, Azucena Villaflor. Il avait déjà été condamné à la réclusion à perpétuité mais avait bénéficié des lois d’amnistie décrétées dans les années 1980. En 2003, un des premiers gestes du président nouvellement élu Nestor Kirchner avait été d’obtenir l’annulation de ces lois d’amnistie, permettant la réouverture de centaines de procès.

Alfredo Astiz était également jugé pour tortures, homicides et disparitions de mineurs de moins de 10 ans, ainsi que pour avoir privé de liberté de plus de 300 personnes. « Jamais je ne demanderai pardon pour avoir défendu ma patrie », a-t-il déclaré à l’audience début octobre. Astiz avait alors défendu l’action des forces armées pendant la dictature, estimant qu’il s’agissait « d’une guerre contre le terrorisme ». Il avait qualifié les présidences de Nestor Kirchner (2003-2007) puis de Cristina Kirchner (2007-2016) de « dictatures » et les associations de défense des droits de l’homme de « petits et gênants groupes résiduels ».

Jorge Acosta, dit « le Tigre », était connu, selon les témoignages de survivants, pour son sadisme envers les prisonniers, qu’il traitait comme des esclaves mais qu’il pouvait aussi, à l’occasion, faire sortir de l’ESMA pour les emmener dîner dans des restaurants chics. Comme d’autres tortionnaires, il est également accusé d’enrichissement illicite et d’appropriation « organisée et systématique » des biens des prisonniers de l’ESMA.

À l’exception du général Martin Balza, qui était alors le commandant chef de l’armée et avait fait en 1995 une autocritique de la répression illégale pendant les années de plomb, les militaires argentins n’ont jamais demandé pardon. En l’absence d’un statut de repenti, les informations sur les crimes commis se révèlent également difficiles à recueillir. Depuis 2004, les bâtiments de l’ESMA, véritable « usine de la mort », dans le quartier arboré de Nuñez, ont été reconvertis en Musée de la mémoire.