dimanche 27 mai 2012

CHILI : UN STATUT LÉGAL RÉCLAMÉ POUR LES DISPARUS SOUS LA DICTATURE

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SANTIAGO DE CHILI (CEMENTERIO GENERAL), MONUMENT ÉDIFIÉ À LA MÉMOIRE DES DISPARUS SOUS LE RÉGIME DICTATORIAL DE AUGUSTO PINOCHET (1973-1981) ; AU MILIEU DE TOUS CES «INCONNUS»  SALVADOR ALLENDE (PRÉSIDENT DU CHILI DE 1970 À 1973) OCCUPE UN PLACE PARTICULIÈRE : PLUTÔT QUE DE SUBIR UN RÉGIME DESPOTIQUE CELUI-CI PRÉFÉRA SE LIBÉRER EN SE TIRANT UNE BALLE DANS LE CRÂNE...» PHOTO GUILLAUME CASSAGNES
« Pour des raisons légales, les détenus disparus sont vivants », explique le député du Parti communiste et avocat des droits de l'homme Hugo Gutiérrez.  « Cette polémique démontre que le Chili n'a pas fait face comme il le faudrait à la disparition forcée de personnes », ajoute-t-il. L'enjeu est symbolique (contraindre l'État à reconnaître qu'il a fait disparaître des citoyens), légal (pour des affaires de succession, notamment) et judiciaire (si une victime est simplement déclarée morte, son meurtre sera couvert par une loi d'amnistie).

Pour la justice, le fait que ces personnes restent disparues peut en effet constituer un délit de séquestration permanente, qui n'est pas couvert par la loi d'amnistie des crimes commis entre 1973 et 1978, lors des plus sombres années du régime pinochétiste. Cette dénomination est accordée  «  quand on a pu établir comme un fait certain le décès ou la séquestration suivie d'homicide, après avoir déterminé les circonstances de la mort », grâce à des témoignages ou à des documents, explique un autre avocat, Héctor Salazar.

« Absence pour disparition forcée »

Il existe la possibilité pour un proche de disparu de solliciter auprès d'un tribunal le statut de  « mort supposée », en l'absence de nouvelles durant un certain laps de temps, sans avoir à déterminer les circonstances du décès.  « Cette déclaration permet de réaliser des démarches légales pour une succession. Elle est volontaire, et seuls peuvent l'effectuer les proches les plus directs », ajoute Me Salazar. Il existe également depuis l'année dernière la possibilité d'établir un certificat d'"absence pour disparition forcée », qui permet également de régler des affaires d'héritage. 

Mais pour le Associations de parents détenus-disparus (AFDD), cette qualification est  « insuffisante » et la loi doit établir un statut spécifique de  «  disparition forcée ».  «  L'objectif principal est que l'État déclare officiellement dans ses registres ces Chiliens et ces Chiliennes [...] comme victimes d'une disparition forcée. Ainsi, au Chili, il devrait y avoir des citoyens vivants, morts et des citoyens absents pour cause de disparition forcée » , affirme Lorena Pizarro, présidente de l'AFDD. Pour Mme Pizarro, cette qualification est différente de la notion de  «  mort présumée », qui a été récemment attribuée à des personnes disparues lors du tremblement de terre de 2010, ou de celle d'"absence pour disparition forcée »  introduite en 2011 qui ne traite que des successions.  «  Il n'est pas question de savoir s'ils sont morts. Mais la façon dont ils sont morts est due à une disparition forcée, et donc l'État doit accorder cette reconnaissance à des milliers Chiliens et Chiliennes », poursuit-elle. Le dernier rapport officiel datant de 2011 fait état de plus de 40 000 victimes de la dictature, dont 3 225 morts et disparus.