mercredi 9 avril 2008

Décision arbitraire sur la « pilule du lendemain »

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Le dictateur Augusto Pinochet, réunit avec Jaime Guzmán, Joaquín Lavín et Julio Dittborn, dirigeants de la UDI.


En interdisant vendredi la distribution gratuite de la «pilule du lendemain » dans le système de santé public, le tribunal constitutionnel du Chili vient de porter un rude coup au droit des femmes à disposer librement de leur corps. La nouvelle a provoqué un tollé dans un pays où l’IVG (interruption volontaire de grossesse) reste illégale et sévèrement punie par la loi. Cette décision est un camouflet pour la présidente, Michelle Bachelet, qui s’était investie personnellement pour promouvoir cette méthode contraceptive d’urgence. En effet, le Chili est confronté à un sérieux problème de santé publique : le nombre de grossesses chez les jeunes filles est très élevé, touchant particulièrement les familles les plus pauvres. Dans certaines communes populaires comme Cerro Navia, dans l’ouest de Santiago, près du quart des adolescentes de moins de dix-huit ans sont enceintes ou l’ont été. Ces grossesses sont bien souvent non désirées et débouchent parfois sur des avortements clandestins très risqués.

Malgré l’opposition farouche de l’église catholique, de la droite et d’une partie de la démocratie chrétienne (membre de la coalition au pouvoir), la présidente Bachelet avait réussi fin 2006 à imposer la distribution gratuite et anonyme de la «pilule du lendemain» dans les consultations du système public de santé, pour les jeunes filles de plus de quatorze ans. Le tribunal constitutionnel a accueilli favorablement la requête présentée par 36 députés du parti de droite, Union démocrate indépendante (UDI) au motif que la pilule serait «abortive». La formation politique fondée en 1983 par Jaime Guzman, idéologue de la dictature et bras droit du général Pinochet, se distingue régulièrement par ses positions ultraconservatrices en matière de moeurs.

Réagissant samedi depuis Londres où elle effectuait une visite officielle, la présidente Bachelet a «regretté profondément» la décision du tribunal. «Ce jugement va d’abord à l’encontre des femmes pau- vres», a-t-elle indiqué. En effet, paradoxalement, la prohibition ne concerne que le système public : la «pilule du lendemain» sera toujours en vente sur ordonnance dans les pharmacies. Et de ce fait, seules les femmes qui en ont les moyens pourront se la procurer… Devant cette situation qualifiée de «discriminatoire», le sénateur de centre-gauche Guido Girardi - proche de la présidente et médecin de profession - a lancé une pétition en vue de présenter une réforme constitutionnelle, permettant aux femmes de choisir librement leur moyen de contraception. D’autres parlementaires ont évoqué un recours auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Jean Boulangé