samedi 12 décembre 2009

Les Chiliens aux urnes pour l'après-Bachelet

Piñera embrasse la présidente Michelle Bachelet.
Un retour de la droite au pouvoir au Chili, en meilleure position que jamais, ferait l'événement dans une région désormais dominée par des gouvernements de gauche.

Le candidat "officialiste" Frei a, lui, crée la surprise jeudi soir, en clôture de la campagne: il a annoncé un accord avec le candidat Jorge Arrate, de Junto Podemos (Ensemble, Nous Pouvons, alliance dirigée par les communistes), pour tenter de barrer la route à Piñera au second tour, prévu le 17 janvier.

Les Chiliens doivent également élire la totalité des 120 députés et renouveler la moitié du Sénat (36 sièges).

Selon tous les sondages, l'atypique Piñera, candidat de la droite traditionnelle Rénovation nationale (RN) et de l'extrême-droite Union démocratique indépendante (UDI), à la tête de l'Alliance pour le changement, rival malheureux de Mme Bachelet en 2005, devrait arriver largement en tête dimanche, mais sans pour autant décrocher la majorité suffisante pour être élu dès le premier tour.

Les différents sondages donnent Frei entre 13 et 17 points à la traîne derrière Piñera. S'il veut gagner, il lui faudra faire le plein des voix à gauche: outre le communiste, évalué entre 5 et 7% des voix, il y a surtout le trublion de ce scrutin, le candidat indépendant Marco Enríquez-Ominami, qui a quitté le Parti socialiste pour tenter en solo l'aventure présidentielle, et est donné en troisième position, avec 17% des suffrages.

L'impétueux et irrévérent Enríquez-Ominami, 36 ans, a pour l'instant rejeté l'offre de front commun d'Arrate, autre dissident du PS. Fils de Miguel Enríquez, fondateur du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) assassiné par la dictature en 1974 et élevé en exil en France, il aura été la surprise et le coup de jeune de cette campagne. Rassemblant autour de son nom les déçus de la coalition au pouvoir et nombre d'intellectuels et artistes, il a bouleversé la donne à gauche et suscité l'incertitude quant à l'issue de l'élection.

Le second tour était donc au coeur des derniers discours des quatre candidats jeudi soir, avant le début de la période de silence imposé avant le scrutin de dimanche.

Piñera, 60 ans, a dénoncé cette coalition de centre-gauche qui préside aux destinées du Chili depuis le retour de la démocratie, en 1990. "Ils n'ont pas tenu leurs promesses envers les Chiliens, et ils veulent une cinquième chance, mais est-ce qu'ils la méritent?", a-t-il lancé.

Cet amateur de sports extrêmes, patron de la chaîne Chilevision, est aussi actionnaire de la principale compagnie aérienne chilienne LAN et du club de football le plus populaire du pays.

Et selon les derniers sondages, même si le camp de gauche se regroupe, le candidat de droit gagnerait par 49% contre 32% devant Fire, et une marge plus étroite de 47% contre 35% devant Enriquez-Ominami.

Reste que Piñera est "le candidat le plus modéré que la droite a jamais eu" au Chili, selon Patricio Navia, analyste politique chilien, et que son éventuelle élection ne devrait pas apporter de changements radicaux.

Il se targue d'avoir voté contre Pinochet en 1988, mais reste soutenu par la toujours puissante armée chilienne, une réunion avec les gradés ayant même suscité la controverse. Au cours de celle-ci, selon un participant, il aurait promis de mettre un terme aux "procès sans fin" des crimes de la dictature. Piñera a ensuite démenti toute promesse d'amnistie pour les quelque 750 militaires actuellement dans le collimateur de la justice.

Jamais en tous cas, depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), la droite chilienne n'a été aussi près d'un retour au pouvoir, et ce en raison des divisions à gauche. La très populaire (78%) Michelle Bachelet est empêchée par la Constitution de briguer un deuxième mandat consécutif.

C'est donc le sénateur et ancien président Frei (1994-2000), lui-même fils d'un ancien président mort sous la dictature, qui porte les couleurs de la Concertation "officialiste" et tente de rassembler, avec la présidente sortante à ses côtés.

Ce démocrate-chrétien de 67 ans se proclame héritier de Bachelet la socialiste, dont le mandat arrive à expiration le 11 mars, et annonce vouloir gouverner plus à gauche que du temps de son premier mandat, quatre ans après la fin de l'ère Pinochet. AP