vendredi 18 novembre 2011

CHILI : LA FRONDE COUVE CONTRE UNE SANTÉ À DEUX VITESSES

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LES ÉTUDIANTS DU CHILI PROTESTENT DEPUIS SIX MOIS CONTRE UN SYSTÈME ÉDUCATIF À DEUX VITESSES, QUI ÉTRANGLE LES BUDGETS SANS RÉPONDRE AUX BESOINS, À L'INSTAR D'UN SYSTÈME DE SANTÉ DONT LES INÉGALITÉS CRIANTES POURRAIENT BIEN FAIRE L'OBJET D'UNE PROCHAINE FRONDE. PHOTO HECTOR RETAMAL
"L'idée de surveiller, éventuellement de contrôler les prix des prestataires (privés) de santé, est un sujet qui va rebondir, et me semble extrêmement délicat", a mis en garde M. Manalich, un chirurgien professionnel du secteur plus qu'un politique dans le gouvernement de droite de Sebastian Piñera.

Exemple courant au Chili: Jaime, concierge d'un immeuble de Santiago, doit rassembler l'équivalent de 800 dollars pour l'opération des mains de son épouse. Il en est donc réduit à effectuer une collecte dans son entourage car son salaire ne dépasse pas 400 dollars par mois.

Comme lui, quelque 15 millions de Chiliens empêtrés dans un système de "libre choix" n'ont accès qu'au service minimum de la couverture médicale, via un système public surchargé et sous-financé, surtout depuis la politique de déréglementation des années 80 sous la dictature.

De l'autre côté, deux millions de personnes bénéficient d'une médecine de pointe, moyennant un gros apport personnel, par l'intérmédiaire des Isapres (Instituts de santé prévisionnels), caisses privées créées en 1981. Des caisses sélectives envers leurs affiliés en fonction du profil médical, et dont les primes peuvent évoluer selon l'âge et le facteur risque qu'ils présentent.

Comme pour l'éducation, c'est de la classe moyenne, qui a fait le succès des Isapres, que vient le désenchantement.

"Ils se sentent floués", diagnostique Camilo Cid, expert indépendant de la santé, au sein de l'Association pour l'économie de la santé.

LES ÉTUDIANTS DU CHILI PROTESTENT DEPUIS SIX MOIS CONTRE UN SYSTÈME ÉDUCATIF À DEUX VITESSES, QUI ÉTRANGLE LES BUDGETS SANS RÉPONDRE AUX BESOINS, À L'INSTAR D'UN SYSTÈME DE SANTÉ DONT LES INÉGALITÉS CRIANTES POURRAIENT BIEN FAIRE L'OBJET D'UNE PROCHAINE FRONDE. PHOTO HECTOR RETAMAL
"De nombreuses personnes qui ont été affiliées aux Isapres toute leur vie n'arrivent plus à payer une cotisation en hausse, et se retrouvent éjectées vers la santé publique. La majorité (d'entre eux sont) des malades chroniques ou d'un âge avancé".

La goutte d'eau qui a fait déborder le vase est venue de la publication des profits récents des Isapres: 97 millions de dollars à mi-2011, soit +70% par rapport à 2010. Alors qu'en même temps, il apparaît que le Chili présente les coûts de santé par habitant parmi les plus élevés de l'OCDE, dont il est membre depuis 2010.

"Nous avons un système de santé très consumériste, proche d'une vision libérale de l'économie. La vision sociale qu'a toujours eue la médecine s'est un peu perdue", a alerté dans le quotidien La Tercera le toxicologue Enrique Paris, sommité médicale au Chili, président du Collège médical.

Les Isapres se défendent, soulignant qu'elles ont contribué en 30 ans à doter le Chili "d'un système de cliniques et centres médicaux d'un niveau comparable à ceux des pays développés", et ont fixé "des standards pour le système public".

Mais la santé au Chili est de plus en plus vue comme présentant "un système pour les riches et un autre pour les pauvres", dénonce José Concha, directeur des études au Collège Médical.

"Les gens vont commencer à s'indigner au vu des informations récentes comme la publication des profits des Isapres, et les coûts dans les cliniques", a mis en garde M. Paris. "Nous devons nous préparer à des temps de tempête".

"La colère peut se muer en protestation. Mais c'est imprévisible. A la différence de l'éducation, les gens ne s'inquiètent de la santé que quand ils sont malades", tempère M. Concha.