vendredi 21 décembre 2012

DU DANGER D’ENQUÊTER SUR LA DICTATURE

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TROIS JOURNALISTES CHILIENS CRISTÓBAL PEÑA, MAURICIO WEIBEL ET JAVIER REBOLLEDO,  ENQUÊTANT SUR DES VIOLATIONS DES DROITS DE LA PERSONNE PENDANT LA DICTATURE DU GÉNÉRAL AUGUSTO PINOCHET ONT ÉTÉ VICTIMES D’INTRODUCTIONS PAR EFFRACTION DANS LEURS RÉSIDENCES AU COURS DES DERNIERS JOURS, ONT DÉNONCÉ DES GROUPES DE PRESSE.

Javier Rebolledo, quant à lui, a publié récemment « La danse des corbeaux. Le destin final des détenus-disparus » (voir "LLB" du 15/11). Ce livre raconte la vie de l’ex-majordome de Manuel Contreras (chef de la DINA) et les horreurs commises dans la caserne Simon Bolivar, un centre d’extermination au sein duquel quatre-vingts militants du parti communiste ont été assassinés. On y apprend aussi que l’homme d’affaires Ricardo Claro finançait les agents de la police secrète.


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COUVERTURE DU LIVRE « LES FUSILIERS », (NON-TRADUIT),  DANS LEQUEL JUAN CRISTÓBAL PEÑA,  RACONTE L’ATTENTAT MANQUÉ DU FRONT PATRIOTIQUE MANUEL RODRIGUEZ CONTRE AUGUSTO PINOCHET EN 1986.  
Juan Cristóbal Peña, pour sa part, est l’auteur du livre «  Les fusiliers », dans lequel il raconte l’attentat manqué du Front patriotique Manuel Rodriguez contre Augusto Pinochet en 1986. Il a également travaillé en tant que scénariste pour la série « Les archives du Cardinal », qui aborde le travail de la Vicaria de la Solidaridad pour sauver la vie des opposants à la dictature.
A ces trois cas, il faut ajouter les appels téléphoniques anonymes reçus par Carlos Dorat, coauteur du livre avec Mauricio Weibel, et le vol de l’ordinateur de Pascale Bonnefoy, correspondante du « New York Times », il y a un mois. Même si elle estime que le doute est raisonnable, la journaliste - connue pour ses enquêtes sur « le circuit bureaucratique de la mort » - affirme ne pas disposer pour l’instant d’éléments suffisants pour assimiler son cas à celui de ses quatre confrères.

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LES JOURNALISTES PASCALE BONNEFOY ET JOHN DINGES DANS LE HALL DU MUSÉE LA MÉMOIRE À SANTIAGO DU CHILI. DANS LE MUSÉE LA MÉMOIRE ON PEUT Y DÉCOUVRIR DES IMAGES DU BOMBARDEMENT DU PALAIS PRÉSIDENTIEL AU MOMENT DU PUTSH, LES PREMIÈRES PHOTOS DE DÉTENUS POLITIQUES TRANSFÉRÉS DANS DES CENTRES CLANDESTINS, DES LETTRES DE FILS À LEURS PÈRES DISPARUS, DES INSTRUMENTS DE TORTURE ET DES COUPURES DE PRESSE DE L'ÉPOQUE. LE 11 SEPTEMBRE 1973, LE GÉNÉRAL AUGUSTO PINOCHET RENVERSAIT SALVATOR ALLENDE ET S'EMPARAIT DU POUVOIR PAR LA FORCE. PHOTO QUOTIDIEN EN LIGNE LA NACIÓN.

« Un climat inquiétant »

Tous ont en tout cas entrepris des enquêtes qui pourraient indisposer les nostalgiques du régime militaire. Le travail d’investigation de ces cinq journalistes se concentre, en effet, sur la manière dont fonctionnait la répression sous la dictature, laissant apparaître le nom des bourreaux, alors que le rapport officiel de la commission nationale Vérité et Réconciliation évoquait principalement les victimes. « Il s’agit d’une situation extrêmement grave pour la démocratie , commente Mauricio Weibel, visiblement très marqué par les événements. Ceci correspond aux pires horreurs du XXe siècle et non pas à un pays qui regarde vers le futur. » Pour Eduardo Contreras, l’avocat des journalistes, « la succession de tels agissements visant à occulter les liens politiques entre des agents des services secrets de la dictature et des fonctionnaires toujours en activité démontre un climat inquiétant » .

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MIGUEL KRASSNOFF MARTCHENKO, C.I. N° 5.477.311-0, OFFICIER DE L’ARMÉE D’ORIGINE AUTRICHIENNE, MEMBRE DE L’ÉTAT MAJOR DE LA DINA, SURNOMMÉ LE « CHEVAL FOU » PAR SA CRUAUTÉ ENVERS LES PRISONNIERS. JEUNE LIEUTENANT AU MOMENT DU PUTSCH DU 11 SEPTEMBRE 1973, IL A PARTICIPÉ A L'ASSAUT ET LE PILLAGE DE LA MAISON PRÉSIDENTIELLE DE TOMAS MORO. COMME LA PLUPART DES OFFICIERS SUD AMÉRICAINS, IL A SUIVI LES STAGES ANTI SUBVERSIFS DE L’ÉCOLE DES AMÉRIQUES DES ÉTATS-UNIS AU PANAMA. CITÉ DANS PLUS DE 90 CAS D’ASSASSINATS ET DISPARITIONS D’OPPOSANTS, SON NOM EST DEVENU ─AVEC CELUI DU GÉNÉRAL MANUEL CONTRERAS─ UN SYMBOLE DE L’ATROCE RÉPRESSION DÉCHAÎNÉE AU CHILI PAR PINOCHET PENDANT PRESQUE DEUX DÉCENNIES.
Une nouvelle fois, le Chili est rattrapé par son douloureux passé. L’année dernière, un hommage a été rendu au tortionnaire Miguel Krassnoff, ainsi qu’à Augusto Pinochet. La lenteur des procès est souvent dénoncée par les familles des disparus et beaucoup d’ex-agents de la DINA restent en liberté. Ce climat d’impunité freine donc un travail de mémoire pourtant nécessaire, alors que le pays va commémorer en 2013 les quarante ans du coup d’Etat militaire.