lundi 7 janvier 2019

AMÉRIQUE LATINE. INTERVENTIONNISME PRESSANT CONTRE LE PRÉSIDENT MADURO

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RÉUNION DU GROUPE DE LIMA, VENDREDI,
DANS LA CAPITALE PÉRUVIENNE.
PHOTO CRIS BOURONCLE
Le groupe de Lima nie toute légitimité au chef de l’État vénézuélien, dont le nouveau mandat débute le 10 janvier, et somme de transférer les pouvoirs à l’Assemblée nationale, tenue par l’opposition de droite. Cette dernière appelle l’armée à intervenir.
L’investiture officielle de Nicolas Maduro doit se tenir le 10 janvier, en dépit des intimidations et des menaces pressantes. Le président du Venezuela avait été réélu le 20 mai 2018, après plusieurs années d’une crise politique qui pourrait bien exploser de nouveau en raison de l’interventionnisme du groupe de Lima (Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou). À l’issue d’une rencontre vendredi, dans la capitale péruvienne, cette structure, qui depuis sa création en août 2017 a pris fait et cause pour la Mesa de la Unidad Democratica (MUD, coalition hétéroclite de formations de droite vénézuéliennes), a annoncé qu’elle ne reconnaîtrait pas le nouveau mandat de Nicolas Maduro. Assumant crânement leur intrusion dans les affaires internes d’un pays tiers, ces nations ont même qualifié le dirigeant du Parti socialiste uni du Venezuela (Psuv) d’« illégitime », au prétexte qu’une partie des formations de la MUD ont boycotté le scrutin présidentiel. Dans un communiqué final, elles ont, sans surprise, ratifié « leur pleine reconnaissance à l’Assemblée nationale élue (…), le 6 décembre 2015, comme organe constitutionnel démocratiquement élu au Venezuela ». Pour rappel, celle-ci, dominée par la MUD, avait été déclarée en outrage judiciaire en mars 2017 pour avoir outrepassé les pouvoirs judiciaires et électoraux qui lui sommaient de procéder à de nouveaux scrutins concernant l’élection frauduleuse de trois députés.

Le groupe de Lima a exigé de Nicolas Maduro qu’il «transfère le pouvoir exécutif à l’Assemblée nationale ». Les signataires, pour qui « l’ordre constitutionnel et l’État de droit » n’existeraient plus au Venezuela, ont appelé à l’isolement diplomatique de Caracas, à de nouvelles sanctions économiques alors que le pays connaît une crise sévère en raison de l’hyperinflation, ainsi qu’à la tenue de nouvelles élections qui, disons-le, ne seront légitimes à leurs yeux que si elles sont remportées par l’opposition. Pour la MUD, pourtant engluée dans des divisions internes en raison de ses échecs successifs, la déclaration de Lima équivaut à un feu vert. Le nouveau président de l’Assemblée nationale, Juan Guaido, qui a été investi samedi, a sommé l’armée d’intervenir afin de « restituer l’ordre constitutionnel ». Renouant avec la stratégie du chaos, le dirigeant de Voluntad Popular (ultra-droite) a appelé à descendre dans les rues pour « renouer avec les protestations ». Et il est fort à parier que l’Assemblée nationale, confortée par l’ingérence étrangère, s’octroie, en toute illégalité, les pouvoirs de l’exécutif lors de la session parlementaire qui s’ouvrira demain.

La Maison-Blanche à la manœuvre

« C’est un fait sans égal dans l’histoire de la région » que de ne pas reconnaître « un gouvernement démocratiquement élu et des institutions légitimement constituées », a critiqué le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Jorge Arreaza, pour qui la réunion de Lima est « une humiliante subordination aux États-Unis » et un «encouragement à un coup d’État au Venezuela ». Le sommet au Pérou a en effet compté avec la participation téléphonique de Mike Pompeo, le secrétaire d’État des États-Unis, pays qui n’est pourtant pas membre du groupe de Lima. Ce dernier, qui est le pur produit de la vague réactionnaire à l’œuvre en Amérique latine, s’aligne sur la politique étrangère de la Maison-Blanche dans la région dont l’un des objectifs est de déloger par tous les moyens la gauche là où elle est encore au pouvoir. De mémoire, jamais une telle structure n’a vu le jour lors des coups d’État parlementaires au Honduras, au Paraguay et, plus récemment, au Brésil, alors dirigés par des gouvernements progressistes. Les nations dudit groupe qui, à deux exceptions près, sont tombées ces dernières années dans l’escarcelle de la droite néolibérale, assument ainsi leur vassalité et ce, malgré les lourdes conséquences que pourraient avoir ses mesures dès les prochains jours.

Dans ce décor guère reluisant pour la diplomatie régionale, le Mexique, désormais présidé par Andres Manuel Lopez Obrador, a opposé une voix discordante en refusant de parapher les résolutions de vendredi. « Nous réitérons notre rejet de (…) mesures qui font obstacle au dialogue pour affronter la crise au Venezuela », a déclaré au site d’infirmation Nodal le sous-secrétaire mexicain pour l’Amérique latine et la Caraïbe, Maximiliano Reyes.