mardi 29 janvier 2019

LE CHILIEN FERNANDO RAMOS, REMPLAÇANT D’UN PRÉSIDENT CONTESTÉ


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DESSIN SERGIO LANGER
Le secrétaire général de la Conférence épiscopale du Chili, Mgr Fernando Ramos, se rendra à Rome à la place de son président, accusé d’avoir dissimulé des abus sexuels.
Un séisme dont les secousses n’en finissent pas de secouer l’institution. Un an après le voyage du pape François au Chili, qui avait mis à jour sa gestion particulièrement calamiteuse de cas d’abus sexuels, l’épiscopat chilien est en pleine réorganisation, encore ébranlé par le choc. Démission de plusieurs évêques, poursuites judiciaires, dévoilement de mécanismes d’omerta... Le cas chilien est devenu emblématique de l’omerta et des dysfonctionnements qui entourent la prise en charge des abus sexuels dans l’Église.
LE PAPE FRANÇOIS REÇOIT ET 
MGR LUIS FERNANDO RAMOS PEREZ, 
PHOTO VATICAN MEDIA
Conséquence de cette situation, ce n’est pas le président de la Conférence des évêques chiliens (CECh), Mgr Santiago Silva, qui participera au Sommet sur les abus sexuels convoqué au Vatican par le pape François du 21 au 24 février. Il est mis en cause dans une enquête pour non dénonciation de harcèlement sexuel par un ancien séminariste qui affirme s’être confié à lui dans les années 1990, quand Mgr Silva n’était que professeur de théologie.

Aujourd’hui évêque aux armées, Mgr Silva a également été entendu au mois d’octobre par le procureur pendant plus de cinq heures sur des accusations concernant sa gestion d’un cas impliquant un aumônier militaire. À cette occasion, il a aussi été interrogé sur d’autres épisodes, notamment lorsqu’il était évêque auxiliaire du diocèse de Valparaiso et recteur du séminaire pontifical de San Rafael.

C’est donc Mgr Fernando Ramos, secrétaire général de la CECh, qui le remplacera à Rome pour cette rencontre, sur demande de Mgr Silva lui-même, lequel reste malgré tout à la tête de l’épiscopat chilien. Dans une interview accordée à la presse chilienne fin décembre, Mgr Ramos a expliqué que cette décision permettrait que « l’attention ne se concentre pas » sur des « analyses ou commentaires liés à la figure du président ».

Graves dysfonctionnements

Le voyage du pape François au Chili a marqué un tournant dans son pontificat. En janvier 2018, ce déplacement avait tourné au désastre. Le pape avait pris la défense de Mgr Juan Barros, évêque d’Osorno, soupçonné d’avoir dissimulé les abus sexuels de Fernando Karadima, ancien prêtre et prédateur sexuel. Cette attitude avait provoqué un tollé et obligé le pape à approfondir cette affaire en dépêchant au Chili un envoyé spécial, Mgr Charles Scicluna, chargé de recueillir des témoignages. Le résultat de cette enquête avait provoqué un revirement et un séisme dans l’Église chilienne tout entière, dont les graves dysfonctionnements étaient apparus.

Au mois de mai, le pape avait en effet convoqué l’ensemble des évêques chiliens pour une réunion inédite à Rome, afin de leur faire part des conclusions de Mgr Scicluna. Son rapport soulignait que des faits dénoncés aux évêques « ont été qualifiés superficiellement d’invraisemblables, alors mêmes qu’il y avait de graves indices de délit effectif » tandis que d’autre cas « ont été enquêtés avec retard voire jamais enquêtés ». Le pape avait aussi dénoncé, toujours d’après les informations de Mgr Scicluna, « des pressions exercées sur ceux qui devaient mener l’instruction des procès pénaux » ainsi que « la destruction de documents compromettants de la part de ceux qui étaient chargés des archives ecclésiastiques ».

Démission en bloc de l’épiscopat chilien

À la suite de cette rencontre, les évêques chiliens avaient présenté en bloc leur démission au pape. Ce dernier a jusqu’à présent accepté la démission de sept d’entre eux… dont Mgr Barros.

Ce scandale a touché l’Église catholique au Chili jusqu’au plus haut niveau, puisque le cardinal Ricardo Ezzati, archevêque de Santiago, fait actuellement l’objet d’une enquête de la justice chilienne – avec six autres évêques – pour dissimulation d’abus.

Au-delà de la question de la dissimulation de cas d’abus sexuels, ce scandale a également mis en lumière les dysfonctionnements au sujet des informations transmises au pape.

À la mi-janvier, le pape François a reçu à Rome les responsables de l’épiscopat chilien pour voir l’avancée du processus de réorganisation depuis cette rencontre.

Prévention et accompagnement des victimes

Né en 1959 dans la capitale chilienne, ordonné prêtre en 1989, Mgr Ramos, qui représentera donc le Chili lors du Sommet convoqué par le pape, ne résidait pas dans son pays dans les années où ce système d’omerta au sujet des abus sexuels était le plus prégnant. En effet, envoyé à Rome en 1993 pour y poursuivre ses études, il travailla ensuite jusqu’en 2007 au sein de la Congrégation pour les évêques, avant de revenir à Santiago.

Cette année-là, il fut nommé recteur du Séminaire pontifical chilien. En 2011, le cardinal Ezzati le nomma comme son premier vicaire épiscopal à Santiago. Durant cette période, Mgr Ramos fut aussi désigné comme membre du Conseil national pour la prévention des abus sexuels sur mineurs et l’accompagnement des victimes créé par la Conférence épiscopale chilienne.

En 2014, il fut nommé évêque auxiliaire du diocèse de Santiago et élu secrétaire général de la CECh depuis 2017. À la suite de la démission de l’évêque de Rancagua, Mgr Alejandro Goic, il est désormais administrateur apostolique de ce diocèse, qui se trouve dans une « situation compliquée ».