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Ville de Constitution. Juan Eduardo López
Fier de sa prospérité et de son ordre social, le Chili a vu des bandes de pillards sévir et un certain sens de la responsabilité civique bafoué depuis le tremblement de terre de samedi, qui a fait au moins 796 morts. Parmi les premiers à avoir envoyé de la nourriture, des médicaments et des équipes de secours en Haïti quelques semaines plus tôt, il se retrouve contraint à solliciter l'aide d'urgence internationale.
A Lota, une ancienne ville minière de 30.000 personnes située sur la côte ouest très touchée par le séisme de 8,8 degrés et le tsunami qui a suivi, le maire Mayor Jorge Venegas parle de "psychose". Un station-service a été brûlée, des fusillades ont éclaté dans la nuit de lundi à mardi et les habitants ont effectué des rondes dans les rues contre les bandes et les pillards, a-t-il expliqué sur Radio Bio Bio. Plus de 2.000 maisons ont été détruites, des milliers de personnes se retrouvent à la rue et se sont armées pour se protéger. "Il est urgent que l'armée arrive jusqu'à nous."
"C'est une hystérie collective", déplore Francisco Santa Cruz, 20 ans, un travailleur social qui s'occupe de 56 familles dans un camp de San Pedro, une ville située de l'autre côté du Bio Bio, en face de Concepcion, la principale ville de la zone touchée par le séisme. "On nous appelait les jaguars d'Amérique du Sud", rappelle-t-il.
La présidente Michelle Bachelet a été vivement critiquée pour la lenteur de la réaction du gouvernement, notamment dans le quotidien influent "La Tercera", qui juge que les pillages et la violence démontrent "la faiblesse incompréhensible et la lenteur" des autorités. Le conservateur "El Mercurio", considéré comme le journal de référence au Chili, a appelé le nouveau président Sebastian Piñera, qui prendra ses fonctions le 11 mars prochain, à "restaurer l'espoir" dans le pays.
Le gouvernement a imposé lundi un couvre-feu de 20h à minuit et envoyé 14.000 soldats à Concepcion et ses alentours pour empêcher les pillages. Le début du couvre-feu a été avancé à 18h dès mardi. "Les gens auront toujours l'impression qu'on aurait pu mieux faire", s'est justifiée Michelle Bachelet mardi. "Mais la réalité est que, vu l'étendue (de la destruction), ce sera toujours insuffisant".
Ce violent séisme semble avoir touché les Chiliens au coeur, profondément troublés par la réaction du gouvernement, et d'eux-mêmes. Si des pillards ont volé des biens de première nécessité, d'autres, bien habillés, s'emparaient d'appareils électroniques.
Certains Chiliens ont même remis en cause des principes bien établis dans la société civile. Depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet il y a 20 ans, les Chiliens préfèrent voir les soldats dans leur caserne, mais devant la police complètement dépassée par les pillages, certains ont applaudi l'arrivée des militaires dans les rues de Concepcion.
Par ailleurs, l'économie de ce pays de 17 millions d'habitants va devoir absorber cette catastrophe naturelle, dont le coût est estimé à plus de 15 milliards de dollars (11 milliards d'euros) par AIR Worldwide, une entreprise de conseil de Boston.
Le Chili jouit d'une inflation négligeable et d'une démocratie stable enviées dans toute l'Amérique latine, avec un taux de pauvreté ramené à 13% contre 45% en 1990. Mais le séisme a peut-être servi de révélateur à l'immense fossé de richesses dans le pays, mettant en lumière la situation des pauvres, victimes les plus durement touchées du tremblement de terre. AP