lundi 23 mai 2011

LE MARCHÉ CHILIEN DES FONDS DE PENSION, UN ELDORADO POUR LES GÉRANTS ÉTRANGERS

[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
Le  surnom de  «  jaguar de l’Amérique latine »   
en référence aux tigres asiatiques
Le « jaguar » de l'Amérique latine a également développé un système de retraite innovant, aujourd'hui très apprécié par les gérants d'actifs de la planète. En 1981, l'idéologie libérale de l'ère Pinochet a révolutionné les retraites au Chili. Les « Chicago boys», jeunes conseillers économiques formés à l'école américaine de Milton Friedman, ont poussé à la privatisation du système. Adieu la répartition ! Bonjour la capitalisation ! Des fonds de pension sont mis en place : les AFP (prononcez « a-f-épé »), « administradoras de fondos de pensiones », qui vont contribuer au boom économique du pays. Mais ce système n'est pas sans défaut.

À peine 60% de la population est couverte, principalement les salariés du secteur privé. Les professions libérales, les femmes au foyer, les travailleurs du marché « informel » sont restés sur le bord de la route. De plus, l'effort demandé -le versement de 10 % du salaire sur vingt ans pour toucher une pension -n'était économiquement possible que pour 10 % des salariés. La crise économique n'a pas non plus favorisé la participation des cotisants. Dès 2006, le gouvernement de Michelle Bachelet a procédé à des réajustements, a insufflé du public dans le privé. Avec le président Sebastian Piñera, élu en 2009, les réformes se sont poursuivies.

Âpre concurrence

Aujourd'hui, il existe six fonds de pension sur le territoire, propriétés d'établissements bancaires étrangers, comme BBVA ou ING, ou de groupes industriels privés. « Aucun n'appartient à des banques locales», fait remarquer Francisco Margozzini, directeur général de l'association des AFP. Provida, Habitat, Capital et Cuprum, qui ont le bénéfice de l'âge, dominent le marché avec entre 30 et 50 milliards de dollars d'encours chacun.

Plus récents, Planvital et Modelo, le petit dernier, affichent respectivement 4 milliards de dollars et 100 millions. A fin avril, l'ensemble des AFP totalisait 157 milliards de dollars. « Le principal véhicule pour les investissements internationaux [ce] sont les fonds mutuels qui représentent un tiers des encours », explique Eduardo Ruiz-Moreno, directeur de l'Amérique latine et de l'Espagne pour Edmond de Rothschild Asset Management. Ainsi, 52 milliards de dollars sont confiés à des sociétés de gestion, pour les deux tiers investis sur les marchés actions. Une cinquantaine d'acteurs internationaux se partagent le gâteau. La proximité avec les Etats-Unis, tant géographique qu'économique, fait la part belle aux gérants américains. Fidelity dispose de plus de 9 milliards de dollars sous encours pour le compte des fonds de pension chiliens, devant Franklin Templeton (5,2 milliards de dollars). BNP Paribas, premier français, pointe à la 12 e place, avec 1,7 milliard de dollars, suivi à la 14 e place par Edmond de Rothschild AM (1,3 milliard de dollars), qui recolte les fruits de son implantation locale. Pour les sociétés de gestion, le Chili est synonyme de croissance.
 
Tout d'abord, le gouvernement a autorisé les fonds de pension à investir jusqu'à 60 % de leurs encours à l'international. Le taux de 80 % est même envisagé. Il y a encore de la marge puisque, globalement, les encours placés dans des titres étrangers n'atteignent que 44 % du global. Ensuite, les fonds de pension se livrent une âpre concurrence. Afficher les meilleures performances est donc primordial pour attirer le chaland. Toutefois, il n'est pas question de dépasser les bornes en matière de réglementation. La Superintendencia de Pensiones, le régulateur, veille au bon respect des règles. Les AFP sont aussi incitées à faire de la pédagogie auprès de leurs cotisants afin de choisir le profil de risque qu'il leur correspond parmi les cinq proposés.
Stéphane Le Page