Symbole fort dans un pays encore marqué par la dictature, c'est la sénatrice socialiste Isabel Allende, fille de l'ex-président Salvador Allende renversé par le coup d'Etat du 11 septembre 1973, et première femme à présider le Sénat chilien, qui doit remettre l'écharpe présidentielle bleu, blanc et rouge à Michelle Bachelet, 62 ans.
Première femme élue à la tête d'un pays sud-américain, Mme Bachelet fait face à de nombreux défis pour son retour à la Moneda, qu'elle avait quitté en 2010 avec un taux de popularité record. Elle succède au conservateur Sebastian Piñera, qui quitte le pouvoir avec un bilan contrasté.
Rompant avec le style figé de la classe politique traditionnelle, cette médecin de formation, ancien ministre et ex-directrice de l'ONU-Femmes, mère de trois enfants et grand-mère, s'est notamment fortement engagée en faveur de l'amélioration des droits des femmes dans un pays ultra-conservateur, où l'avortement, même thérapeutique, est interdit et où le divorce n'a été légalisé qu'en 2004.
Elue le 15 décembre dernier avec plus de 62% des suffrages, 20 points devant sa rivale de droite Evelyn Mattei, la nouvelle présidente a promis de mener « enfin» à bien « de profondes transformations» pour réduire les importantes inégalités sociales et développer le pays « de façon plus harmonieuse» .
- Des objectifs ambitieux -
Pour ce nouveau mandat de quatre ans, la leader socialiste s'est fixée des objectifs ambitieux, promettant dans les 100 premiers jours de son gouvernement 50 mesures choc, dont une vaste réforme de l'enseignement et de la fiscalité avec une augmentation importante de l'impôt sur les sociétés pour financer une refonte du système éducatif.
La candidate socialiste a également promis l'adoption d'une nouvelle constitution pour remplacer celle qui porte la signature du dictateur Augusto Pinochet (1973-1990).
La nouvelle présidente du Chili hérite en outre d'un pays un peu essoufflé par le ralentissement de l'économie mondiale, un recul des investissements et la baisse des prix du cuivre, dont il est le premier producteur au monde. Mais l'économie chilienne reste globalement solide, avec une croissance entre 3,75% et 4,75% prévue pour 2014.
Mais c'est dans le domaine de l'éducation, alors que des dizaines de milliers d'étudiants n'ont pas accès à un enseignement gratuit et de qualité, que les attentes sont les plus fortes.
Les nouveaux leaders de l'influent mouvement étudiant, fort du soutien des centaines de milliers de jeunes descendus dans la rue lors des manifestations massives de 2011, ont d'ores et déjà exprimé leur méfiance vis-à-vis de Michelle Bachelet et avaient appelé à ne pas voter lors des élections.
Avant même d'entrer en fonctions, la vice-ministre de l'Education, Claudia Peirano, a démissionné et le ministre de l'Education désigné Nicolas Eyzaguirre est déjà fortement critiqué.
Trois autres vice-ministres ont également renoncé à leurs futures fonctions pour des motifs divers, illustrant les pressions auxquelles sera soumise la présidente Bachelet dès le début de son mandat.
Reconnaissant elle-même les difficultés à venir, la présidente socialiste avait mis en garde les impatients au lendemain de sa victoire aux élections.
« Mais quand a-t-il été facile de changer le monde?» , s'était-t-elle déjà interrogée lors de son premier discours de future présidente.
- Le Venezuela au menu -
Ces derniers jours, c'est la crise politique vénézuélienne et la présence à Santiago de M. Maduro, davantage que la prise de fonctions de Mme Bachelet, qui ont agité le milieu politique chilien.
Le Congrès a condamné la violence régnant dans les rues de Caracas et demandé la libération des manifestants et des étudiants de l'opposition détenus, alors qu'au sein de la coalition politique qui soutient Mme Bachelet, les opinions à l'égard du chef de l'Etat vénézuélien ont provoqué des divisions entre Chrétiens-démocrates et le Parti communiste.
Michelle Bachelet a d'ores et déjà indiqué qu'une fois au gouvernement, elle proposerait son aide au Venezuela pour trouver une issue démocratique à la crise qui secoue le pays depuis un mois.
Mercredi, les ministres des Affaires étrangères de l'Union des nations sud-américaines (UNASUR) doivent d'ailleurs se réunir à Santiago pour discuter de la situation dans ce pays.