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Comparer les récentes élections vénézuéliennes au référendum chilien d’octobre 1988, c’est considérer comme bonnet blanc et blanc bonnet les années Chávez, marquées par une ré-inclusion citoyenne et des politiques massives de redistribution afin de lutter contre la pauvreté, et les années Pinochet, correspondant à la première expérimentation concrète du dogme néolibéral.
MUSTAPHA BOUTADJINE 2007
Que le gouvernement de Nicolás Maduro et le
PSUV (Parti Socialiste Unifié Vénézuélien) aient enregistré une cuisante déroute – synonyme d’authentique rupture dans la vie politique des seize dernières années – lors des élections législatives vénézuéliennes du 6 décembre dernier ne fait aucun doute.
COMPAGNON OLIVIER |
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PHOTO CARLOS HERNANDEZ |
Et que cette déroute soit largement due, en plus d’une conjoncture économique défavorable et de choix politiques hasardeux, à une forte dérive autoritaire consécutive à la mort du Hugo Chávez en mars 2013, mais plongeant également ses racines dans la seconde moitié des années 2000, non plus. Mais faut-il pour autant perdre toute forme de raison, comme dans cet article, intitulé Au Venezuela : nette victoire de l’opposition et publié sur le site de Libération, au point de saluer la possibilité qui serait désormais ouverte d’une «transition démocratique» et d’ériger la MUD (Table de l’Unité Démocratique), qui réunit presque toute l’opposition au gouvernement Maduro, en une brave coalition progressiste ? À peu de chose près, on se croirait revenu aux grandes heures du coup d’État d’avril 2002 lorsque certains médias espagnols ou nord-américains – pour ne citer que ceux-là – célébraient l’éphémère renversement du gouvernement de Chávez, issu de la souveraineté populaire, comme un salutaire retour à la démocratie.
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Poser explicitement l’équation chavisme = pinochétisme, à l’aune d’une hasardeuse comparaison entre ces récentes élections vénézuéliennes et le référendum chilien d’octobre 1988 qui ouvrit la voie à l’effacement du régime issu du 11 septembre 1973, revient en effet à mettre dans le même panier la révolution bolivarienne qui, quelles qu’aient été ses erreurs et ses errances, a bénéficié durant de longues années d’une large légitimité démocratique par le biais d’élections régulières et un régime de sécurité nationale issu d’un coup antidémocratique qui fit du terrorisme d’État sa première méthode de gouvernement. C’est considérer comme bonnet blanc et blanc bonnet les années Chávez, marquées par une ré-inclusion citoyenne et des politiques massives de redistribution afin de lutter contre la pauvreté, et les années Pinochet qui correspondirent à la première expérimentation au concret du dogme néolibéral – avec son cortège d’ajustements structurels et de violences sociales. C’est porter un regard erroné et non dénué d’un certain mépris (de classe?) sur les millions d’électeurs vénézuéliens qui soutinrent le projet révolutionnaire jusqu’à une date récente tout autant que sur les quelque 40 000 victimes de la répression dans le Chili des années de plomb. C’est, somme toute, nier ce qu’il advint historiquement et méconnaître les savoirs accumulés par les sciences humaines et sociales sur ces deux expériences.
Peindre la MUD en une coalition poliment centriste et résolument ouverte au dialogue relève, par ailleurs, de la naïveté ou de l’aveuglement. Une part non négligeable de ses figures les plus en vue, au premier rang desquelles Henrique Capriles et Leopoldo López, ont directement participé au coup d’Etat d’avril 2002 ou l’ont chaleureusement applaudi. Piliers du bipartisme vénézuélien entre 1958 et 1998, le parti social-démocrate Acción Democrática et le parti démocrate-chrétien COPEI sont ceux-là mêmes qui ont administré la transition au néolibéralisme au tournant des années 1980 et 1990 et peuvent être considérés comme directement responsables des 48,5 % de pauvres qui, en 1998, au moment de la première élection de Chávez au Palacio Miraflores, peuplaient un pays richissime en pétrole depuis la fin des années 1910. Affirmer cela ne revient à être «fanatique de la violence populaire» ou «nostalgique d’une révolution fantasmatique réanimant les mythes bolchevik et cubain», mais tout simplement à savoir que la MUD est une alliance de circonstance réunissant des antichavistes de toutes obédiences – depuis la droite extrême jusqu’à une gauche révolutionnaire ayant rompu avec la révolution bolivarienne – et n’ayant guère de chance de résister en l’état à l’épreuve du pouvoir qui devrait lui incomber un jour ou l’autre.