vendredi 11 août 2017

DISPARITION EN ARGENTINE D’UN JEUNE MANIFESTANT APRÈS UNE INTERVENTION POLICIÈRE


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UNE PHOTO DE SANTIAGO MALDONADO MONTRÉE PAR UN
MANIFESTANT À BUENOS AIRES, LE 7 AOÛT 2017, DEVANT
LE PALAIS DU CONGRÈS.
PHOTO JUAN MABROMATA  

Santiago Maldonado a été vu pour la dernière fois le 1er août 2017, alors que la gendarmerie dispersait un rassemblement de la communauté mapuche, en Patagonie.
SANTIAGO MALDONADO
Cela fait plus d’une semaine que personne, en Argentine, n’a de nouvelles de Santiago Maldonado. La famille du jeune homme et plusieurs organisations de défense des droits humains accusent la gendarmerie d’avoir « fait disparaître » le jeune homme à la suite d’une intervention musclée lors d’une manifestation de la communauté mapuche – Amérindiens vivant en Patagonie. Mercredi 9 août, Amnesty International a lancé une campagne pour exiger une réponse immédiate de l’État. Sa famille et les autorités se renvoient la balle, s’accusant mutuellement de nourrir des zones d’ombre dans l’enquête.

L’artisan de 28 ans, originaire de la province de Buenos Aires, participait à une manifestation de la communauté mapuche de Cushamen, dans le sud du pays, à 1 800 kilomètres de la capitale. Plusieurs témoins assurent l’avoir vu pour la dernière fois le 1er août, lorsque les forces de l’ordre ont chargé violemment les manifestants, interpellant le jeune homme et l’embarquant dans une camionnette. La ministre de la sécurité, Patricia Bullrich, et le juge chargé de l’enquête, Guido Otranto, assurent, eux, qu’« aucun indice ne prouve » que la gendarmerie soit en cause.

Les déclarations des témoins présents sur place coïncident pourtant « pleinement » avec les indices retrouvés sur le terrain, assure le défenseur des droits de la ville d’Esquel, Fernando Machado. Selon lui, les camionnettes des gendarmes ont été nettoyées après l’opération et des éléments personnels de M. Maldonado ont été retrouvés à l’endroit précis où, selon les membres de la communauté mapuche qui ont dénoncé la disparition, l’interpellation a eu lieu.

L’ONU réclame une « action urgente »

« Ni militant ni activiste », selon son frère, Sergio Maldonado, le jeune argentin « a très à cœur la cause des communautés originaires » du pays, raison pour laquelle il était allé expressément soutenir leur action, destinée à exiger la libération du leader mapuche Francisco Jones, incarcéré par le juge Otranto depuis le mois de juin. Les indigènes occupent depuis 2015 une portion de terres ancestrales appartenant officiellement à l’entreprise italienne Benetton et bloquent régulièrement des routes pour en revendiquer la propriété.

Amnesty International a dénoncé « les violations des droits humains » perpétrées par la gendarmerie lors de l’intervention musclée contre les manifestants mapuches, et exige également qu’une solution définitive soit trouvée aux réclamations territoriales du peuple indigène.
Une récompense de 24 000 euros pour tout renseignement sur le sort de l’artisan
Mardi, le Comité des Nations unies contre les disparitions forcées avait déjà appelé le gouvernement argentin à entreprendre une « action urgente » afin de trouver M. Maldonado. L’Etat offre désormais une récompense de 500 000 pesos argentins (24 000 euros) pour tout renseignement sur le sort de l’artisan. Lundi soir, une manifestation massive a eu lieu devant le palais du Congrès à Buenos Aires, convoquée par la famille Maldonado.
MANIFESTATION DEVANT LE PALAIS DU CONGRÈS À BUENOS AIRES,
LE 7 AOÛT 2017, EXIGEANT QUE SANTIAGO MALDONADO SOIT RETROUVÉ EN VIE.
PHOTO JUAN MABROMATA 

 Disparition en démocratie

« Ils enlèvent quelqu’un et prétendent ne pas savoir où il est ! », proteste Sergio Maldonado, faisant le parallèle avec une des périodes les plus sombres de l’histoire récente du pays sud-américain, où la dictature militaire a été responsable de la disparition forcée de plus de 30 000 personnes entre 1976 et 1983, qui ont en fait été torturées et assassinées.

Les associations de défense des droits humains des Mères et des Grands-mères de la place de Mai et le Centre d’études légales et sociales, qui avaient demandé l’intervention de l’ONU au sujet de la disparition de Santiago Maldonado pour faire pression sur l’État, soutiennent qu’il s’agit d’un cas de « disparition » dans le cadre d’une « violence institutionnelle commise par un État démocratique ». Quelques jours avant des primaires aux élections législatives d’octobre, où elle figure en tête des sondages, l’ex-présidente Cristina Fernandez de Kirchner a tweeté : 


« Santiago doit être retrouvé maintenant, et doit être retrouvé en vie. »  


 CAPTURE D'ÉCRAN TWITTER

En 1993, un premier cas de disparition forcée en période démocratique avait défrayé la chronique : le 17 août de cette année-là, Miguel Bru, un étudiant en journalisme de 23 ans, avait disparu à Bavio, près de Buenos Aires. Les officiers qui ont été condamnés pour torture suivie de meurtre dans cette affaire avaient, au départ, nié toute implication. Le commissariat avait même offert une récompense pour toute information sur le sort du jeune homme. Son corps n’a jamais été retrouvé.