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Le 31 juillet 1914, Jean Jaurès, fondateur de l’Humanité, était assassiné à Paris. Patrick Le Hyaric, directeur du journal, et de nombreux lecteurs se sont recueillis hier et ont appelé à poursuivre son engagement pour la paix et la justice sociale.
Il y a cent trois ans, Jean Jaurès était assassiné au
PHOTO ALBERT HARLINGUE / ROGER-VIOLLET
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Café du Croissant, en plein cœur de Paris. Hier, plus d’une centaine de lecteurs, de militants politiques et syndicaux se sont réunis devant l’établissement pour une cérémonie républicaine qui, au fil des ans, est devenue traditionnelle. Mais, loin de rester dans la torpeur du souvenir ou le confort de la nostalgie, le directeur du journal l’Humanité, Patrick Le Hyaric, a tenu à rappeler dans son discours combien les combats du fondateur de notre titre sont toujours d’actualité un siècle plus tard.
« C’est à l’action que le souvenir de Jaurès nous oblige », a-t-il insisté. À l’action pour la paix afin d’éviter d’inutiles massacres (il y a cent ans, la Première Guerre mondiale que Jaurès voulait tant éviter faisait rage). À l’action pour une paix « mère de toutes les luttes », y compris sociales, selon Patrick Le Hyaric : « Jaurès avait bien saisi que le seul moyen d’abolir la guerre, c’est d’abolir la guerre économique. »
« La compétitivité, le faux nom de la guerre économique »
Si les conflits armés ne manquent pas aujourd’hui, l’affrontement des travailleurs les uns contre les autres au bénéfice de quelques-uns ne prépare pas leur résolution. « La compétitivité est le faux nom de la guerre économique », a insisté le journaliste et député européen. « Les traités de libre-échange préparent à la compétition, à l’abaissement permanent des normes sociales, sanitaires et environnementales au nom du profit. » Estimant que les fauteurs de guerre d’hier ne supportaient pas que Jaurès appelle à la fraternité prolétaire, le directeur de notre journal a argumenté que « c’est la coopération qui peut faire sortir de la misère, voire de la famine, des peuples entiers. La paix universelle n’est possible que dans un monde libéré des appâts du gain et des intérêts capitalistes ».
La compétitivité, pour ne pas dire la concurrence, est aussi au cœur de la nouvelle loi travail. Non content des régressions passées à coups de 49-3 sous François Hollande, voilà que les macronistes aggravent cette casse par ordonnances. « Pourquoi passent-ils leur temps à s’attaquer aux règles qui encadrent le travail ? Ils ont compris que c’est en s’en rendant propriétaires que le capital s’accapare les richesses », a mesuré Patrick Le Hyaric. À ses yeux, le gouvernement veut revenir sur toutes les conquêtes du Front populaire, du Conseil national de la Résistance, ainsi que sur les suivantes. Ceux qui mènent « l’offensive libérale et capitaliste veulent sacrifier les droits sociaux et démocratiques. Ils veulent empêcher tout droit de regard des travailleurs sur leur production. Leur objectif est de couler la France dans le moule de la mondialisation capitaliste », a-t-il égrené. Rappelant nos révélations, mercredi dernier, sur Muriel Pénicaud, actuelle ministre du Travail, qui empocha plus d’un million d’euros en Bourse après avoir supprimé 900 emplois, il a tancé qu’il « ne peut y avoir un fond humain dans l’égoïsme capitaliste ».
En son temps, proche du nôtre, Jaurès avait dénoncé la « propagande de la peur » et la volonté de Clémenceau d’« halluciner les cerveaux ». Il voyait dans les lois sécuritaires et « scélérates » de 1912 davantage un outil pour « museler les luttes pacifiques du mouvement ouvrier » que pour faire face aux actes de terrorisme de quelques anarchistes. Une question qui revient avec acuité, selon Le Hyaric, alors que le gouvernement veut faire passer les mesures liberticides de l’État d’urgence dans la loi commune.
Enfin, dans son discours, le directeur de l’Humanité, à quelques pas d’élus PCF de Paris et de la présidente du groupe CRC au Sénat, Éliane Assassi, a rappelé combien Jaurès a été un « artisan de l’unité socialiste », qui voulait « fédérer tous les progressismes face au capitalisme grégaire ». « Sa vie mais aussi sa mort nous enseignent l’âpreté du combat. On a besoin de se serrer les coudes, de s’entendre, de fraterniser. De se consulter et de délibérer cordialement. L’essentiel est que nul ne se grise de sa propre action. Nous sommes, selon les mots de Jaurès, les soldats de la même armée, les combattants des mêmes combats, les frères de la même espérance. Ainsi nous ferons gagner les projets d’émancipation humaine. » Plus tard dans la journée, à partir de 18 h 30, les députés de la France insoumise devaient eux aussi se retrouver devant le Café du Croissant pour rendre hommage à Jean Jaurès (voir l’Humanité.fr).
Aurélien Soucheyre et Léa Almayrac
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