mardi 13 mars 2018

CHILI : LES DÉFIS D’UNE PRÉSIDENCE BIS POUR SEBASTIÁN PIÑERA



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SEBASTIÁN PIÑERA, LE 11 MARS 2018 À SANTIAGO, AU CHILI.
PHOTO AFP
Deux dossiers sensibles attendent le conservateur pour son second mandat : les retraites et les tensions avec les communautés indigènes.
La somme des participations dans des sociétés chiliennes et étrangères détenues par Sebastián Piñera, quatrième fortune du Chili, s’élevait à 1,2 milliard de dollars (970 millions d’euros). La semaine dernière, le nouveau président du Chili a confié l’ensemble à des fonds privés pour éviter les conflits d’intérêts avec sa fonction présidentielle.

Mapuches.

Le milliardaire s’est ainsi momentanément séparé d’une somme supérieure à ce qu’exige la loi chilienne, pour mettre à distance les critiques et scandales liés à son premier mandat (2010-2014). La justice enquête encore sur une entreprise de pêche péruvienne dont il avait gardé des parts alors qu’il était président, en plein conflit avec Lima sur la frontière maritime entre les deux pays.

Un scandale parmi d’autres, qui n’ont pas empêché le sexagénaire toujours bronzé d’être élu une seconde fois président en décembre, avec 54,5 % des voix, sur la promesse de relancer l’économie du pays. Il succédera donc une deuxième fois à la socialiste Michelle Bachelet, élue en 2005 et 2013. «Il va trouver un pays dans lequel la croissance est en hausse, contrairement à ce qu’a dû affronter Michelle Bachelet lors de son second mandat», estime Marcelo Mella, doyen de la faculté des sciences humaines de l’université de Santiago. Le PIB du Chili devrait en effet progresser de 3 % cette année, deux fois plus que l’an dernier.

Parmi les priorités du nouveau président, gérer les tensions dans le sud du pays, où les communautés indigènes mapuches (9 % de la population chilienne) revendiquent les terres confisquées à leurs ancêtres. Des Mapuches sont régulièrement accusés d’incendie ou de violences volontaires dans la région, et jugés sous le régime de la loi antiterroriste. Une loi dénoncée par les organisations de défense des droits humains, mais aussi pointée du doigt pour son inefficacité. Sebastián Piñera prévoit de la «moderniser» pour « mettre fin à l’impunité » dans la région.

Lors de sa campagne, le milliardaire a aussi promis d’approfondir la gratuité de l’enseignement supérieur, une idée qu’il avait dédaignée durant son précédent mandat. Il veut en outre créer un administrateur public pour réguler les fonds de pension, système de gestion des retraites par capitalisation que le Chili fut le premier pays au monde à adopter, en 1981, en pleine dictature. Une réponse, à sa manière, aux deux plus grands mouvements sociaux connus par le pays ces dernières années : les manifestations pour l’éducation gratuite, puis contre le système de retraites, qui reste aujourd’hui entièrement privé. Sur ce dernier point, Sebastián Piñera est loin des revendications des manifestants, qui demandaient une refonte totale des retraites vers un système public et solidaire.

«Polarisation».

Pour autant, explique Marcelo Mella, ces mouvements sociaux, d’une ampleur inédite depuis la fin de la dictature du général Pinochet en 1990, sont aujourd’hui « essoufflés ». Selon le politologue, le principal risque pour Piñera est ailleurs : « Il revient au pouvoir sans majorité qualifiée au Parlement - nécessaire pour les grandes réformes -, et dans un pays qui vient de connaître une série de réformes progressistes, comme la dépénalisation de l’avortement ou l’accord d’union civile », un équivalent du pacs. Des sujets sources de forte «polarisation au sein de sa coalition» qui, selon Marcelo Mella, pourrait se diviser profondément sur les questions de société.

Justine Fontaine Correspondante au Chili