Des sociétés privées projettent d'accroître la capture de CO2, via cette stimultaion de la chaîne alimentaire océanique, pour commercialiser ainsi les crédits carbone. Le ministère de l'Environnement a demandé à celui de la Recherche « d'arrêter immédiatement » ce projet germano-indien baptisé Lohafex.
Yves Collos, chercheur au CNRS-Université Montpellier II-Ifremer
« On distingue le mécanisme appelé 'pompe physique' dû aux différences de températures entre zones de fond et de surface et celui appelé 'pompe biologique', entraîné par l'activité de photosynthèse des micro-algues.»
Selon le ministère de l'Environnement, l'expérience est « en contradiction avec le moratoire contre la fertilisation artificielle des océans décidé lors de la Conférence de l'Onu sur la biodiversité en mai à Bonn, avec le soutien prononcé du ministre de l'Environnement Sigmar Gabriel ».
Yves Collos
« Les Nations unies ont décidé un principe de précaution. Il est important de comprendre la notion de limitation en sels nutritifs dans les océans. »
L'Institut Alfred Wegener (AWI) invoque pour sa part une clause de la convention stipulant que le moratoire ne concerne pas « des recherches scientifiques à petite échelle ». L'Institut Alfred Wagener assure que la mission scientifique n'a rien à voir avec ces projets commerciaux de commercialisation des crédits carbone (*).
« Nous partons du principe que l'AWI et l'Indian Science Council ont vérifié que l'opération ne présentait aucun risque ». Par ailleurs, a affirmé le secrétaire d'Etat au ministère de la Recherche Frieder Meyer-Krahmer : « l'AWI s'est mis d'accord en amont avec le ministère de l'Environnement ».
Le rôle clé des micro-algues dans le niveau mondial de carbone
Ces microalgues marines jouent un rôle clé dans le niveau mondial de carbone car elles absorbent le dioxyde de carbone situé dans l'eau et l'atmosphère autour d'elles, selon l'Institut. Après une courte vie, les restes de ces organismes viennent se déposer sur le plancher océanique sous forme de sédiment et les partisans du projet soutiennent que Lohafex devrait « permettre d'une part de contribuer à une meilleure compréhension du rôle des océans dans le cycle mondial du carbone et, d'autre part, de mesurer l'effet potentiel de ces algues sur la teneur en dioxyde de carbone de l'atmosphère », souligne l'AWI.
Yves Collos
« Je ne pense pas que des algues toxiques puissent se développer avec le sulfate de fer alors que cela représentait un risque en ayant recours à l'urée.»
Mieux comprendre le rôle des océans dans le cycle du CO2
Le ministère de l'Environnement estime que « La démarche enterre la crédibilité de l'Allemagne et son rôle de fer de lance dans la protection de la diversité biologique », a déclaré Sigmar Gabriel à sa collègue de la Recherche Annette Schavan, selon le quotidien régional Märkische Allgemeine.
Pour d'autres raisons qu'environnementales, la communauté scientifique, à l'instar d'Yves Collos, peut émettre des réserves ... La mise en circulation du Polarstern coûte quelque 25 000 euros par jour. Compte-tenu de cette contrainte financière, l'expérience n'a jamais été conduite longtemps ni suivie dans le temps . Aussi, s'interroge le scientifique, spécialiste de la production primaire aquatique, « est-il bien raisonnable de mettre en place un tel programme sans être certain de pouvoir atteindre l'objectif et de piéger le CO2 ».
Le Polarstern doit rejoindre Punta Arenas, au sud du Chili, en mars.
(*) La fertilisation des océans a été interdite à une telle échelle par la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CBD) et la convention de Londres sur l'organisation maritime internationale, un traité qui légifère sur le rejet en mer des déchets.