vendredi 3 février 2017

À L’OEA : AUCUNE CONCESSION !



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Punta del Este, Uruguay, janvier 1962. Les menaces de l’ambassadeur des États-Unis devant l’Organisation des États américains (OEA) se concrétisent 
Laura Bécquer Paseiro
Les menaces de l’ambassadeur des États-Unis devant l’Organisation des États américains (OEA) se concrétisent. Le diplomate étasunien avait déclaré quelques jours plus tôt que depuis ce mécanisme interaméricain « des mesures seront prises contre le Gouvernement révolutionnaire cubain ». Le Conseil interaméricain économique et social de l’OEA siège.

Là, le représentant cubain, le commandant Ernesto Che Guevara, dénonce la politique hostile du président John Kennedy contre la Révolution naissante dans l’Île caribéenne, il donne des détails sur la réalité historique du continent et le caractère spoliateur des plans de Washington pour la région, symbolisé par l’Alliance pour le progrès, un mécanisme voué à l’échec.

Les pressions contre la Révolution trouvent au sein de l’Organisation un espace idéal. Fidel lui-même rappelle au voisin du Nord que le processus de 1959 est né sans la permission de Washington, et que «  si les yanquis tentent de détruire la Révolution cubaine par la force, ils ne trouveront pas ici leur Guatemala, mais leur Waterloo ».

Deux ans auparavant avait eu lieu la 7ème Réunion de consultation des ministres des Affaires étrangères d’Amérique. En toile de fond, le soutien populaire réaffirmait : « Avec l’OEA ou sans l’OEA nous gagnerons le combat ! ». Le ministre des Relations extérieures cubain Raul Roa intervint en séance plénière. « Disons-le désormais sans ambages. Le Gouvernement révolutionnaire cubain n’est pas venu à San José de Costa Rica en tant qu’accusé, mais en tant que procureur général. Il est là pour dire à haute voix, sans détours et sans craintes, son "j’accuse" implacable contre la plus riche, puissante et agressive puissance capitaliste du monde ».Cuba se retire de la réunion. Je pars avec mon peuple, et avec mon peuple s’en vont les peuples de Notre Amérique », s’exclame Raul Roa.

À La Havane, à la demande du peuple rassemblé sur la Place de la Révolution, Fidel rompt la Déclaration de San José, car elle porte atteinte à la souveraineté et à l’indépendance non seulement de l’Île, mais de tous les peuples d’Amérique.

En Uruguay, le 31 janvier 1962, Cuba est expulsée de ce « ministère des colonies yankee », comme Raul Roa qualifie l’OEA. Bien que la décision soit abandonnée en 2009 durant le Sommet des Amériques à Trinité-et-Tobago, l’historique de ce mécanisme inter-américain fait que Cuba défend fermement ses principes et refuse d’y revenir.


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EN RÉPONSE À LA DÉCLARATION DE SAN JOSÉ, LE PEUPLE CUBAIN SE
RASSEMBLA SUR LA PLACE DE LA RÉVOLUTION POUR TÉMOIGNER SON
SOUTIEN AU GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE. LA PREMIÈRE
DÉCLARATION DE LA HAVANE EST RÉAFFIRMÉE LE 2 SEPTEMBRE 1960.
PHOTO: ARCHIVO


LES ORIGINES

En réponse à la Déclaration de San José, le peuple cubain se rassembla sur la Place de la Révolution pour témoigner son soutien au Gouvernement révolutionnaire. La Première déclaration de La Havane est réaffirmée le 2 septembre 1960. Photo: Archivo

L’OEA nait dans le cadre de la Conférence internationale américaine de Bogota en 1948. À l’époque, la Colombie est secouée par les violentes manifestations et la répression – le Bogotazo –, qui ont éclaté après l’assassinat du leader libéral Jorge Eliécer Gaitan.

L’OEA se présente comme un mécanisme intégrateur des pays du continent. En fait, elle n’est rien d’autre qu’une marionnette au service de Washington. « L’Amérique pour les Américains » est la seule doctrine à laquelle elle réponde.

Preuve en est la complaisance à cautionner en 1954 l’intervention au Guatemala de Jacob Arbenz. Son silence face à l’invasion de Cuba par Playa Giron, en avril 1961, et face aux actions terroristes, vient grossir la liste. Et que dire des pressions sur le plan diplomatique qui aboutissent, à quelques exceptions près, à la rupture des relations de la plupart des pays de la région avec La Havane ?

Le débarquement des marines étasuniens à Saint-Domingue en 1965, avec le consentement de l’OEA, est le premier exemple d’une intervention collective dans un pays de la région, de cette même OEA qui prône comme principe « la non intervention d’aucun État dans les affaires internes d’autres ».

En 1982, un pays de la région entre en conflit militaire avec une puissance étrangère. Il s’agit de la Guerre des Malouines, qui oppose l’Argentine au Royaume-Uni. Quelle est la réponse de l’OEA ? Une simple résolution et une faible condamnation un mois après le début des hostilités.

1983 : La Grenade. Le Premier ministre Maurice Bishop est renversé par un coup d’État militaire. Il meurt assassiné. Des soldats de la Marine des États-Unis envahissent la petite île caribéenne, par « mesure préventive ». Aucune réponse unanime de condamnation de la part de l’OEA. Certains pays approuvent même cette action militaire qui sera finalement critiquée parce qu’elle viole la Charte de Bogota.

L’OEA garde également le silence face à l’Opération Condor, face aux coups d’État, face aux milliers de personnes disparues. Elle se tait face aux conflits civils qui ensanglantent l’Amérique centrale. Elle perd tout son prestige.

CUBA N’EST PAS SEULE

2004, Mar del Plata. 4ème Sommet des Amériques. Une OEA discréditée affronte une région un peu plus consciente de la nécessité d’intégration sur la base de principes purement latino-américains. La proposition de la ZLEA (Zone de libre-échange des Amériques), est enterrée, tout comme le fut à l’époque l’Alliance pour le progrès. D’autres mécanismes sous-régionaux sont plus efficaces lorsqu’il est question de résoudre les problèmes. Conséquence : l’OEA est reléguée à un second plan.


Cuba est acclamée pour sa résistance au sein d’autres espaces de concertation régionale. La justice reprend ses droits. Cependant, l’Île ne reviendra jamais au sein d’aucun mécanisme qui sert d’instrument de domination. Une question de principes...