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Au lendemain de l'élection de Benoit Hamon, un des trois propriétaires du groupe Le Monde, Pierre Bergé, tweetait hier son soutien résolu, et indéfectible, à Emmanuel Macron.
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DANIEL SCHNEIDERMANN |
C'est son droit de citoyen le plus strict. Et je ne tomberai pas dans la caricature consistant à penser, ou à laisser entendre, que ce soutien personnel aurait un quelconque rapport avec la multiplication, dans Le Monde et dans L'Obs, d'articles, de couvertures, de sondages plus ou moins bidon, favorables audit Macron (tout le dossier est ici, et il s'épaissit tous les jours). Par ses tweets intempestifs, par ses fulminations parfois publiques contre les journalistes du Monde, Bergé agirait plutôt comme un répulsif, et susciterait plutôt dans lesdites rédactions de furieuses envies - vite réprimées, heureusement - de prendre son contre-pied.
Hasards du calendrier, une citation bien connue se promenait hier, elle aussi, sur twitter. « Journaliste, je dépends de ceux qui possèdent les journaux.
Attendre des représentants du capital qu’ils vous fournissent gracieusement des armes - c’est-à-dire en l’occurrence des journaux - pour s’élever contre une forme de société qui leur convient, et une morale qui est la leur, cela porte un nom: l’imbécillité. Mais la plupart de ceux qui travaillent dans les grands journaux sont, en gros, d’accord avec cette société et cette morale. Ils ne sont pas achetés, ils sont acquis. La nuance est importante. Ceux qui ne le sont pas, peuvent en théorie, créer d’autres organes pour exprimer leurs vues. En pratique, les fonds nécessaires à la création d’une telle entreprise ne se trouvent pas dans les poches des révolutionnaires ».
L'auteur ? Pas un gauchiste ou un souverainiste d'aujourd'hui, mais une des plus talentueuses journalistes françaises de la seconde moitié du XXe siècle, Françoise Giroud. « Pas achetés, mais acquis, la nuance est importante ». Les réactions d'humeur les plus incontrôlables que nous ayons déclenchées, ici, sur @si, ont été entraînées par des articles pointant la macronisation des journalistes du groupe de Pierre Bergé, notamment celui-ci ou celui-là, pour n'en citer que deux. À chaque fois, appels attristés, protestations d'indépendance, textos furibards, à l'idée qu'on puisse croire que l'article était commandité par les propriétaires. À chaque fois, les mêmes arguments : on a eu l'idée tout seuls, comme des grands, il a fallu batailler pour convaincre la rédaction en chef, et si vous saviez comme l'enquête a été difficile ! Protestations toujours véhémentes, comme à chaque fois qu'un nerf est touché. Mais lequel?