De loin, on voit surtout les drapeaux chiliens bleu blanc rouge, ornés de l’étoile blanche. De près, un panneau écrit à la main «Courage Dichato ! Tous unis !» affiche la solidarité. Mais c’est la discipline et l’organisation qui font tenir Dichato, devenue ville de toile.
A l’aube du 27 février, les vagues de tsunami suivant le séisme de magnitude 8,8, ont submergé ce petit port de 4 000 habitants. Dix-huit ont péri, la majorité ont pu se réfugier sur les hauteurs. Ils n’en descendront plus.
«Quasiment personne ne veut revenir habiter sur le front de mer», explique David, membre d’une des 450 familles qui campent depuis sur des collines à l’accès réglementé par les militaires, vérifiant les identités et les portables des visiteurs.
La ville reste militarisée
«On évite les curieux qui viennent voir le lieu de la tragédie», explique le major Ortiz, commandant la zone.
Des toilettes creusées derrière un bosquet, des douches à tour de rôle entre une bassine et des bouteilles, si dans les campements la débrouille est la règle, l’organisation est la clef.
Chacun des 15 groupes de tentes a son numéro sur le drapeau, son chef les représentant, son registre de familles, stipulant bien le nombre d’enfants, de personnes âgées, sa liste de priorités, transmises aux autorités et aux militaires.
Car la ville reste militarisée, avec 265 soldats, qui associés aux agents municipaux organisent la distribution d’aide, centralisée dans l’église. L’aide, et l’agenda des visites caritatives.
«L’autre jour, Fernando Gonzalez et Nicolas Massu sont venus », dit le major Ortiz, des tennismen devenus héros en qualifiant début mars le Chili en quarts de finale de la Coupe Davis. «Les campements se disputaient pour les avoir. Mais ils ne pouvaient pas non plus parcourir toute la zone..»
Son téléphone sonne. «Tiens, là, ce sont les footballeurs du Deportes Concepcion (1e division), qui viennent. Il va falloir leur faire visiter un autre campement, pour qu’il n’y ait pas de plaintes de favoritisme... »
Arrive une demi-heure plus tard le bus des joueurs : ils jonglent avec les enfants, distribuent des cahiers, des bonbons, des sourires surtout, dans un campement que gagne la frustration.
«Profiteuse », s’entend ainsi dire Yolanda Acuña, marchande ambulante qui était venue finir l’été à Dichato, et que le tsunami a plantée là. Bénéficiant de l’aide certes, mais sans aucune possession, ni titre qui lui permettrait de solliciter un dédommagement comme « sinistrée ».
«Le gouvernement d’avant (de Michelle Bachelet, jusqu’au 11 mars) avait très mal géré la coordination face à la catastrophe. Mais avec le nouveau (de Sebastian Piñera) on ne remarque pas vraiment le progrès», se plaint David Merino, « leader » de 80 tentes.
De la population de Dichato, 1 814 personnes étaient logés chez des proches, 1 168 vivaient encore dans des tentes, un mois après la catastrophe, selon un décompte cette semaine de la municipalité.
Le président Piñera, en visite un peu plus au nord à Constitucion elle aussi sinistrée, a rappelé vendredi que malgré «le travail intense» des autorités pour des toits d’urgence à l’approche de l’hiver, la reconstruction de tous les logements détruits « prendra les années 2010 et 2011».