Stéphane Soumier : Gérard Mestrallet, le PDG de GDF-Suez, est avec nous. Allons à l'essentiel, au pari que vous avez décidé de faire sur l'Amérique latine.
Vous nous parlez régulièrement du Brésil, vous étiez en Argentine il y a deux jours, vous avez signé hier un contrat important au Chili : est-ce que vous sentez qu'il y a là un potentiel de croissance que l'on a peut-être un peu négligé ?
Gérard Mestrallet : Tout à fait, on parle beaucoup de la Chine et de l'Inde, mais on devrait parler également du Brésil. On commence à en parler de plus en plus. Nous y sommes très présents, ainsi qu'au Chili et au Pérou.
S'il y a quelqu'un qui sait combien la situation de ce continent peut parfois être explosive, c'est vous. A un moment, l'Argentine a fait vaciller le groupe Suez. Etes-vous certain que les choses sont stabilisées aujourd'hui ?
On ne peut jamais être sûr à 100 %, mais, évoquant les pays dans lesquels nous investissons, j'ai bien parlé du Brésil, du Chili et du Pérou, et nous sommes confiants dans la capacité de ces pays à poursuivre une croissance stable.
Je rappelle au passage que, dans nos métiers, des systèmes de régulation extrêmement sophistiqués et très efficaces existent pour les opérateurs privés que nous sommes. Donc ces systèmes nous donnent de la visibilité, et nous avons tout à fait confiance dans ces trois pays.
D’ailleurs, vous le savez bien, l'expérience Lula au Brésil a fait la démonstration que, même après une alternance politique, le respect des grands équilibres extérieurs, intérieurs et budgétaires permet une croissance tout à fait spectaculaire dans la stabilité.
Il vous fascine, Lula, le président brésilien ?
Il vous fascine, Lula, le président brésilien ?
Effectivement, je suis assez fasciné par la façon dont il a réussi à la fois à redresser et améliorer les grands équilibres économiques du pays et à mobiliser tout son peuple avec son charisme formidable.
Revenons au Chili : n’êtes-vous pas contraint à des acrobaties énergétiques ? Si j'ai bien compris, l'électricité qui va être produite au Chili le sera à partir de gaz naturel liquéfié, votre fameux GNL, que vous acheminerez jusqu’aux côtés chiliennes par bateau.
Non, ce ne sont pas du tout des acrobaties, c'est le moyen de garantir l'approvisionnement énergétique. Nous avons aujourd'hui des centrales électriques au Chili, qui fonctionnent au gaz. Initialement, elles étaient alimentées par des gazoducs. Nous en avons construit un qui traverse la cordillère des Andes, à 5 000 mètres d'altitude, en venant d'Argentine. Mais, de temps en temps, l'Argentine souhaite garder son gaz et donc ne nous livre plus, d'où l'idée d'acheminer ce gaz par bateau.
Nous sommes en train de construire un terminal méthanier dans le nord du Chili ; la flexibilité du GNL permettra de le faire venir de l’une ou l’autre des nombreuses sources d'approvisionnement que nous avons de par le monde. Cela peut être Trinité-et-Tobago, la Norvège, le Yémen, l'Algérie, l'Egypte et, demain, d'autres origines en Europe.
Donc on se retrouve avec du gaz norvégien qui fait de l'électricité au Chili ?
Tout à fait. Le GNL, c'est à la fois une assurance pour le fonctionnement sécurisé du système gazier international et un apport de flexibilité.
Vous avez parlé de ce gazoduc à 5 000 mètres d'altitude : la géographie impose très vite la démesure, vous me disiez qu'il y a des fleuves au Brésil où vous allez monter des barrages qui seront plus puissants qu'un EPR, c'est ça ?
C'est vrai, nous sommes en train de terminer la construction d'un barrage qui aura la puissance de deux EPR. Ce sont des prouesses technologiques, le gazoduc qui traverse la cordillère des Andes en est une aussi, et, au fond, ce qui enthousiasme nos équipes, c'est de combiner la rationalité économique, la prouesse technologique et l'utilité. Nous faisons des métiers utiles aux hommes et aux femmes, nous apportons l'électricité, l'énergie qui permet la croissance, qui permet de s'éclairer, de se chauffer.