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LE PRÉSIDENT NICARAGUAYEN DANIEL ORTEGA ET SON ÉPOUSE ROSARIO MURILLO LORS DE LA CÉLÉBRATION DU 9ÈME ANNIVERSAIRE DE REVOLUTIO SANDINISTE PHOTO CINDY KARP |
Le chef de l’État, Daniel Ortega, candidat à un quatrième mandat, est assuré de l’emporter. Exclue d’un scrutin sans observateur indépendant, l’opposition dénonce une « farce électorale » et appelle à l’abstention.
Seules les affiches électorales de M. Ortega et de la première dame, Rosario Murillo, candidate sur le ticket de son époux, envahissent les rues de Managua. Les sondages annoncent leur victoire écrasante au premier tour avec 52 % des voix, selon l’Institut Gallup, 69,8 % selon M&R Consultants. Leur parti, le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), issu de la révolution de 1979, est aussi assuré d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. « M. Ortega, qui contrôle les pouvoirs législatif, judiciaire et électoral, après deux décennies à la tête de l’État [1980-1990 et 2006-2016], vient de décapiter l’opposition », explique le politologue José Antonio Peraza.
« Transfuges politiques »
ROSARIO MURILLO. DESSIN DE PANCHO CAJAS DU QUOTIDIEN CONSERVATEUR EL COMERCIO D'EQUATEUR |
Seuls cinq partis satellites présentent des candidats. « C’est une illusion de pluralisme électoral », souligne M. Chamorro. Dans les rues de Managua, les badauds ne connaissent pas les noms de ces candidats, crédités ensemble d’à peine 15 % des intentions de vote. En outre, M. Ortega a interdit la présence d’observateurs nationaux et internationaux, lors d’un scrutin où son épouse se présente comme vice-présidente.
Selon la Constitution, Mme Murillo prendra les rênes de l’État en cas de défaillance de son mari, vieillissant (70 ans) et malade. « Le régime autoritaire prend la voie d’une dictature familiale, dotée d’un parti hégémonique », s’inquiète M. Peraza. De quoi provoquer l’ire de l’opposition, qui manifeste en province pour réclamer un nouveau scrutin démocratique, supervisé par des observateurs indépendants.
Le « Nica Act », « une menace de poids »
Cette levée de boucliers s’étend au-delà des frontières. Mercredi 2 novembre, John Kirby, porte-parole du département d’État américain, a exigé des élections « libres, justes et transparentes ». En septembre, la Chambre des représentants des États-Unis a voté à l’unanimité un projet de loi, baptisé «Nica Act», visant à limiter les aides et prêts internationaux accordés au Nicaragua.
« Une menace de poids pour le pays, puisque ces fonds, entre 250 et 300 millions de dollars [jusqu’à 270 millions d’euros] par an, financent les infrastructures », s’inquiète Carlos Tunnermann. L’ancien ministre de l’éducation et ambassadeur à Washington après la révolution, qui a quitté, en 1990, le FSNL, ajoute que « la crise serait accentuée par la chute des pétrodollars du Venezuela, qui alimentent les programmes sociaux pour les pauvres» – 39 % de la population.
Pour calmer les esprits, M. Ortega a accepté, fin octobre, qu’une mission de l’Organisation des États américains (OEA) vienne, du 5 au 7 novembre, analyser le processus électoral. Après la visite du secrétaire général de l’OEA en décembre, un rapport sera rendu en janvier 2017.
« La population refuse la violence »
Pour Ana Margarita Vijil, présidente du Mouvement rénovateur sandiniste, créé en 1995 par des dissidents du FSLN, « Ortega gagne du temps. Il cherche à instrumentaliser l’OEA pour légitimer les élections qui seront entachées de fraudes ».
Pour elle, « seule une abstention massive pourrait contrecarrer ces plans ». Le sondage Gallup l’évalue à 42 %. « Mais l’autorité électorale, contrôlée par Ortega, falsifiera les chiffres », annonce Mme Vijil. Selon la presse indépendante, le gouvernement a réduit le nombre d’urnes pour créer des queues devant les bureaux de vote.
Des affrontements sont-ils à craindre ? « Non, assure-t-elle. Après deux guerres civiles, la population refuse la violence. » Mme Vijil place ses espoirs dans le Front large pour la démocratie, créé en août, pour rassembler les opposants.
« Après les élections, Ortega sera contraint d’ouvrir un dialogue national », prévoit M. Tunnermann. « Sinon, le “Nica Act” fera ses premières victimes parmi les pauvres. » Or, les plus défavorisés représentent la base électorale du régime.