mercredi 12 avril 2017

ALEJANDRO GUILLIER BOUSCULE LE PAYSAGE POLITIQUE CHILIEN

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 LE SÉNATEUR ALEJANDRO GUILLIER
Du journalisme à la politique

La trajectoire d’Alejandro Guillier, 64 ans, est inhabituelle. Sa notoriété s’est construite autour des émissions politiques et d’investigation qu’il a présentées durant une vingtaine d’années : Informe especial ou Tolerancia cero, qui lui ont permis d’interviewer plusieurs présidents en exercice (Ricardo Lagos, Michelle Bachelet, Sebastián Piñera).

Pourtant, il quitte le monde médiatique en 2013 et se présente comme candidat aux élections parlementaires. Avec le soutien du Parti radical social-démocrate (PRSD), il remporte la deuxième circonscription de la région d’Antofagasta (nord du Chili) et fait ses débuts comme sénateur. Depuis, sa cote n’a cessé de grimper au sein de la gauche chilienne. «Alejandro Guillier est un leader qui oxygène la politique, expliquait Ernesto Velasco, le président de son parti, en 2016. Il incarne des valeurs comme la confiance, la crédibilité, très demandées en ces temps de discrédit. C’est la raison pour laquelle il serait un grand candidat à la présidentielle et l’option la plus compétitive pour gagner face à Piñera» l’ancien président conservateur qui aspire à revenir au palais de la Moneda, le siège de la présidence.

Droits des Indiens

La priorité d’Alejandro Guillier sera de convaincre tous les acteurs de la Nouvelle Majorité, coalition créée en 2013 qui regroupe les partis de centre-gauche et de gauche, de se ranger derrière sa candidature comme il l’a annoncé le soir de sa désignation.
  
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Pour y parvenir, l’ancien journaliste pourra s’appuyer sur des sondages favorables : il est crédité actuellement de la deuxième place avec 23% d’intentions de vote, devancé par Sebastián Piñera avec 27% ; et sur un programme visant à rassembler un électorat de gauche déçu par le second mandat présidentiel de Michelle Bachelet.

Fin mars, Alejandro Guillier a défini les grands axes de son programme. L’éducation, la santé et les retraites sont les priorités pour ce candidat qui veut aussi étendre les droits des Indiens Mapuche.

Un candidat populiste ?

L’ancienne star de la télévision entend «décentraliser le pouvoir» et «gouverner avec les gens», son slogan de campagne. Et n’hésite pas à avoir recours à des accents populistes, comme lors de sa première intervention comme candidat à la présidentielle : «La société chilienne est saine, elle réclame justice, respect et dignité, et la classe politique ne parvient pas à le voir.» Concernant l’immigration, Alejandro Guillier prône une politique de migration sélective : «Les Etats-Unis vont faire pression sur des pays comme le Mexique et le Chili, et les flux migratoires vont commencer à se déplacer vers l’Amérique latine.»

«C’est un discours un peu normal en période de campagne électorale, note Renée Fregosi, chercheuse en sciences politiques à Paris-III-Sorbonne nouvelle. Ça ne fait pas de lui un populiste, ce n’est pas Chávez.»

À bout de souffle

«En désignant Alejandro Guillier, les socialistes ont choisi de régénérer le parti. C’est risqué, mais courageux», estime Renée Fregosi, pour qui le PS «est en phase d’essoufflement». Des risques, il faudra nécessairement en prendre pour remotiver un électorat «complètement désorienté».

Car si le chômage a baissé sous la présidence de Michelle Bachelet, des sources de mécontentement demeurent : les promesses de réformes constitutionnelle et de l’éducation n’ont par exemple pas été traduites en actes. Son mandat a en outre été terni pas des soupçons de corruption dans son entourage, qui ont fait chuter sa popularité.

Se ranger derrière un nouveau visage, se donner une chance de se réinventer en faisant table rase du passé, «voilà pourquoi ils ont choisi quelqu’un qui n’est pas du parti», conclut Renée Fregosi.

Guillaume Gosalbes