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MANIFESTATION D’INDIENS MAPUCHES EN JANVIER 2016
À TEMUCO, AU CHILI, POUR COMMÉMORER LE MEURTRE D’UN JEUNE ACTIVISTE TUÉ PAR UN POLICIER EN 2008. PHOTO FERNANDO LAVOZ |
Après Santiago, le pape François se rend mercredi 17 janvier à Temuco, cœur du pays des Indiens mapuches. Cette étape est particulièrement sensible alors que des actes violents sont commis par des militants, au nom de revendications sur des terres ancestrales.
LE PAPE FRANÇOIS AVEC DES REPRÉSENTANTS MAPUCHES, À TEMUCO, À 600 KILOMÈTRES AU SUD DE SANTIAGO, AU CHILI, LE 17 JANVIER. PHOTO ALESSANDRA TARANTINO |
Défaits, les Mapuches (« gens de la terre » en mapudungu, leur langue ; Araucans, en espagnol) ont pendant longtemps peu fait parler d’eux, abandonnant en masse le sud dans l’espoir d’une vie meilleure, et anonyme, à Santiago. Quant à ceux restés en Araucanie, ils ont vu leurs terres devenir peau de chagrin. « Des droits, confirmés par des traités, leur ont été retirés », explique Blaise Pantel, chercheur à l’Université catholique de Temuco. « Plus encore du temps de Pinochet, quand leurs terrains ont été donnés à des entreprises, forestières notamment. »
Au point que leurs compatriotes ont rapidement oublié leur existence, sur fond d’assimilation contrainte. Mais les Mapuches ont commencé à se mobiliser, dans les années 1990, autour de revendications essentiellement territoriales et culturelles. De nombreuses communautés exigent, depuis, de retrouver des terres perdues, ainsi que l’accès à des forêts, importantes dans le cadre de la cosmovision autochtone. Des organismes militants dénoncent, par ailleurs, le fait qu’une « loi antiterroriste » datant des années Pinochet (1973-1990) soit toujours en vigueur, octroyant des pouvoirs spéciaux aux forces de l’ordre.
Mais ce combat n’échappe pas à des excès de violence, commis par des groupes radicaux et ultra-minoritaires. Les installations et le matériel d’entreprises forestières sont ainsi régulièrement incendiés, de même, plus rarement, que des églises évangéliques et catholiques. Si l’Église catholique ne fait pas grand cas de ces attaques, y voyant un appel à l’aide, ou une recherche de publicité, plutôt qu’un acte politique contre une Église présente aux côtés des conquistadors et des armées chiliennes, certains pasteurs évangéliques tiennent un tout autre discours, dénonçant les croyances mapuches ancestrales.
Ces dernières années, le conflit a pris une nouvelle dimension. Il y a eu des morts. Comme le couple Luchsinger qui, début 2013, a péri brûlé dans sa maison. « Notre région fait face à une hausse constante de la violence, et des hommes et des femmes meurent, déplore Luciano Rivas, président de Multigremial de la Araucania, fédération des organisations patronales locales. Nous tenons un ”baromètre du conflit”, pour rendre compte de notre réalité et sensibiliser les autorités. En 2017, nous avons enregistré 43 attaques incendiaires dans l’Araucanie. Ont ainsi été brûlés 55 camions et 7 églises. C’est le signe d’une radicalisation croissante, qui appelle une réponse bien plus forte de l’État, et de l’armée. »
Depuis le retour de la démocratie, des efforts ont pourtant été menés. Une politique a été mise en place pour rendre des terres aux communautés mapuches, via une agence spécialisée, la Conadi. Le gouvernement de Michelle Bachelet, qui quittera ses fonctions en mars, souligne qu’il aura restitué à la fin de son mandat près de 66 000 hectares de terres aux indigènes.
Mais c’est bien peu, compte tenu des 10 millions d’hectares de terres mapuches d’avant l’indépendance du Chili. « L’État a une dette importante envers ce peuple, estime Mgr Hector Vargas, évêque de Temuco, et n’a que trop tardé, pendant plus d’un siècle, à proposer des solutions suffisantes. C’est ce qui a poussé quelques groupes radicaux à prendre la décision de recourir à des actions violentes graves, qui ont causé de nouvelles injustices, plus de pauvreté, beaucoup de douleur et la perte de vies humaines. »
Dans ce conflit, l’Église joue un rôle important de médiateur. En 2016, Mgr Hector Vargas a été invité par la présidente de la République, Michelle Bachelet, à mettre sur pied une commission consacrée à la question mapuche. « L’Église a toujours été disponible pour faciliter le dialogue », explique-t-il. Le rapport, remis en janvier 2017 à la présidente, a été suivi, en juin, d’une demande de pardon au peuple mapuche, par Michelle Bachelet, pour « les erreurs et les horreurs » commises.