Ces deux sondages comportent une marge d’erreur de +/-2%, qui situe de facto les deux adversaires à égalité technique, confirmant le caractère dès l’origine très indécis de l’élection pour la présidence du géant émergent d’Amérique latine. Les votes blancs et nuls sont comptabilisés au Brésil, ce qui explique qu’un candidat puisse remporter l’élection sans nécessairement franchir la barre des 50%.
Dilma Rousseff a remporté le premier tour avec 41,59% des voix face à ses deux grands rivaux du camp du «changement», Aécio Neves (33,55%) et l’atypique écologiste Marina Silva (21,3%), éliminée alors qu’elle avait un temps été favorite de l’élection.
Marina Silva contre Dilma Rousseff
Grande perdante du premier tour, Marina Silva - qui a fédéré de nombreux déçus de la gauche en prônant une «nouvelle politique» de rupture avec 20 ans de bipolarisation PT-PSDB - est paradoxalement devenue l’arbitre du second.
Durement attaquée pendant la campagne par le camp présidentiel, Marina Silva a exclu d’appeler à voter pour Mme Rousseff, au nom du respect de la volonté de changement majoritairement exprimée par les Brésiliens au premier tour. Mais elle a fait monter jeudi les enchères de son éventuel soutien à Aécio Neves en le conditionnant à un accord de programme, par souci de cohérence avec sa promesse de rupture avec les traditionnels ralliements contre postes.
Elle exige que M. Neves fasse siennes les grandes lignes de son propre programme : non-rééligibilité du président de la république dont le mandat serait porté de quatre à cinq ans, promotion de l’agriculture familiale, affectation de 10% du PIB au budget de l’éducation, protection des populations indigènes, engagement effectif pour stopper à terme la déforestation de l’Amazonie, et tout une batterie de mesures en faveur du développement durable.
Marina Silva devait initialement annoncer ses consignes jeudi à Brasilia. Mais elle est restée à Sao Paulo et son entourage rencontrera vendredi M. Neves à Rio de Janeiro pour lui soumettre ses conditions.
Aécio Neves dans l’espoir d’un accord avec Marina Silva
«J’attends avec sérénité la décision de Marina», a répondu jeudi le «candidat des forces du changement» à Rio. M. Neves a dit espérer un accord sur l’essentiel mais pas au prix de renier ses propres engagements : «Nous n’allons pas créer de fausses illusions car ce serait une fraude.» Le Parti socialiste brésilien (PSB), ex-membre de la coalition de gauche au pouvoir, dont Marina Silva était devenue la candidate de circonstance après la mort de son allié socialiste Eduardo Campos en août, s’est rallié mercredi à M. Neves.
Mais le parti vert de Marina Silva, Rede Sustentabilidade, a appelé jeudi ses militants à voter «soit pour Aécio Neves, soit blanc ou nul». «Par respect pour ceux qui ont voté Aécio en croyant au changement, pour ceux qui n’ont pas défini leur position et pour ceux qui ne se sentent pas représentés par la polarisation (PT/PSDB), nous laissons chaque militant libre de décider laquelle de ces alternatives représentera le mieux les propositions de changement défendues par Marina Silva», a souligné Rede Sustentabilidade.
Electeurs partagés
Les 142,8 millions d’électeurs du géant émergent d’Amérique latine sont divisés, en particulier ceux de la classe moyenne désormais majoritaire de ce pays-continent de 202 millions d’habitants. Beaucoup, surtout dans les classes populaires et régions pauvres du Nord-Est, voteront Dilma Rousseff par fidélité aux conquêtes socio-économiques de la gauche au pouvoir, qui ont permis à 40 millions de pauvres d’accéder à la classe moyenne.
Le camp du changement est partagé : d’un côté, l’opposition traditionnelle d’Aécio Neves, qui veut en finir avec la gauche et prône des recettes libérales pour relancer le moteur de la septième économie mondiale en panne, de l’autre, les déçus du «Lulisme» de Marina Silva.
Source AFP