jeudi 2 octobre 2014

LOI ANTITERRORISTE : LE CHILI PREND EXEMPLE SUR... LA FRANCE !

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GUILLERMO DURÁN MENDEZ, JUAN FLORES RIQUELME ET NATALY CASANOVA MUÑOZ, TOUS TROIS SUSPECTÉS D'ACTES TERRORISTES. PHOTO LUIS HIDALGO
Et le véritable problème du gouvernement chilien, c’est que son dispositif judiciaire et législatif antiterroriste actuel est totalement impuissant pour y faire face. Alors, pour se refaire une santé en matière de lutte contre le terrorisme, rien de tel, pour le ministre de l’Intérieur chilien Rodrigo Peñailillo, que de rendre visite à ceux qu’il considère comme experts en la matière, ses homologues espagnol et... français!

Depuis 2005, le Chili a connu plus de 300 alertes à la bombe, 198 rien que pour la capitale Santiago, dont 133 ayant explosé. Des chiffres impressionnants et une loi antiterroriste dépassée, ne permettant pas aux autorités de lutter contre les 81 groupes anarchistes ayant revendiqué la moitié de toutes ces explosions. Au total, seules onze personnes ont été mises en examen et une incarcérée ! Alors, le Chili veut réformer, et vite, afin de se rapprocher des «standards internationaux », à la fois pour ce qui est du respect des droits de l’homme, mais aussi de l'efficacité de la lutte antiterroriste. 

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PHOTO AFP
Certes, comparé au terrorisme basque et irlandais, hier, ou islamiste aujourd'hui, la situation chilienne est moins alarmante. Il ne s’agit que d’explosions légères, la plupart du temps aux alentours de commissariats, de bâtiments publics, d'églises ou de banques, à des horaires tardifs, ne faisant pas de victime. Mais tout de même, depuis le début de l’année, le mouvement terroriste chilien s’est amplifié. C’est plus d’une trentaine de bombes artisanales qui ont été posées, dont quatre ont explosé, principalement à Santiago.  

Bombe politique à retardement 

La loi antiterroriste à la chilienne, c’est Pinochet qui l’instaure en 1984. Le but étant de réprimer comme il se doit les manifestations contre le dictateur, cette loi restreint les droits de la défense des accusés, autorise les témoignages anonymes et étend la durée des condamnations pour certains crimes (incendie, homicide ou séquestration) et celle des détentions préventives. Aujourd’hui dépassée, cette loi est principalement utilisée contre les Mapuche, peuple indigène, qui manifestent régulièrement pour récupérer leurs terres, aux mains de multinationales. Régulièrement aussi, le Comité des droits de l’homme de l’ONU et la Cour interaméricaine des droits de l’homme condamnent le Chili pour son utilisation « arbitraire et discriminatoire » de cette loi. 

Certes, en 1991, la loi avait déjà été retouchée afin d’y ôter ses aspects les plus excessifs. Mais pour les Chiliens, le problème actuel n’est pas tant le respect des droits de l’homme que l’incapacité à se protéger. Car la loi ne condamne que les groupes terroristes, pas les actes d’individus isolés, et, de plus, la définition d’« acte terroriste » relève du flou artistique, insuffisamment précise pour condamner ces attentats à la bombe. Dans la définition chilienne, est considéré comme terrorisme l'intention de « faire peur à la population ». Or, impossible pour les autorités de prouver que la peur est la fin recherchée des terroristes, sauf s’ils l’avouent d’eux-mêmes. Donc, aujourd'hui, les intéressés peuvent être incarcérés pour leurs crimes (homicides, incendie, etc.) mais pas pour « terrorisme » à proprement parler. 
  
Terreur croissante 
  
Une évolution du cadre législatif s'avère donc plus que nécessaire. D'autant que le 13 juillet dernier, le terrorisme chilien a pris un tournant. Une bombe explose dans une rame de métro, tard le soir à Santiago, au niveau de la station Los Dominicos. Certes, l’explosion ne fait aucun blessé (la rame était vide) mais, désormais, des bombes explosent dans des lieux publics. Le 8 septembre, une autre bombe saute dans une galerie commerciale souterraine, proche de la station de métro Escuela militar, toujours à Santiago. Un extincteur de plusieurs kilos rempli de poudre a été déposé dans une poubelle, à 14 heures, en pleine heure de pointe. L’attentat fait 14 blessés dont au moins deux grièvement (une femme s’est fait amputer plusieurs doigts). C’est le premier attentat de jour, et le plus grave depuis le retour de la démocratie, en 1990. 

Le lendemain, une bombe artisanale explosait dans un supermarché de Viña del Mar, à une centaine de kilomètres de Santiago, blessant un employé de l’établissement. Il s'agit presque d'une tradition chilienne, de faire exploser des bombes autour du 11 septembre, date d’anniversaire du coup d’État militaire de 1973. Sauf que, jusqu'ici, cela n'avait fait que des dégâts matériels. Dernière bombe en date, le 26 septembre. Un homme s’est fait exploser en voulant poser une bombe à Santiago. En 2009, un autre poseur de bombes s’était fait explosé de la même manière. 


  
Suspectés d’avoir perpétré les attentats du 13 juillet (Los Dominicos), du 12 août contre deux commissariats de la capitale et du 8 septembre (Escuela militar), Juan Flores Riquelme et Nataly Casanova Munoz, 22 et 26 ans, ont été placés en détention préventive. Guillermo Durán Mendez, 25 ans, est lui suspecté d’avoir fabriqué les explosifs, mais les preuves manquent pour l’incarcérer. Il a été placé en liberté surveillée. 

Selon le procureur en charge de l’enquête, Raúl Gúzman, ces jeunes chiliens représenteraient un « danger pour la société » et leur unique intention serait de « terroriser la population ».  Seulement, ce ne sont pas là leurs revendications. Un groupe d’anarchistes antisystème nommé « Conspiration des cellules de feu », a revendiqué l’attentat de la station Escuela militar, affirmant avoir voulu attaquer les « structures du pouvoir », la « bourgeoisie » et non la population (en faisant péter un extincteur dans le métro !) Les groupes anarchistes aujourd'hui actifs, qui seraient encore une trentaine au Chili, donnent beaucoup de mal aux autorités, car ils sont très désorganisés et il est quasiment impossible de définir qui sont leurs membres. 

La nouvelle loi antiterroriste, qui devait voir le jour à la fin du mois, n'a toujours pas été débattue au parlement chilien. Elle projette de renforcer les pouvoirs d'investigation de l'ANI (les renseignements chiliens). Mais pour l'instant, c’est au nom de la loi de sécurité de l'État que le gouvernement a la ferme intention de faire condamner ces trois anarchistes. Ils risquent jusqu’à quinze ans de prison. Reste à savoir si Bernard Cazeneuve vantera les mérites du logiciel Cheops qui, en cours de maintenance, a permis récemment à trois présumés djihadistes, de retour de Turquie, de franchir à leur arrivée à Marseille les contrôles de la Police aux frontières sans encombre...