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LES MARCHÉS PLEURENT |
Mme Dilma Rousseff a remporté l’élection présidentielle brésilienne, hier soir, avec 51,64 % des suffrages : une victoire relativement serrée pour celle que beaucoup annonçaient victorieuse dès le premier tour il y a encore quelques mois. Mais une victoire décisive néanmoins, et pas uniquement pour le Brésil.
Après un premier tour tumultueux, marqué par l’émergence inattendue de la candidature de Mme Marina Silva, soutenue par les écologistes, les églises évangéliques et les marchés (1), les Brésiliens étaient appelés à choisir entre deux personnalités radicalement opposées.
D'un côté, une ancienne militante marxiste, torturée sous la dictature (1964-1985) et candidate du Parti des travailleurs (PT, gauche), au pouvoir depuis la première élection de M. Luiz Inácio Lula da Silva, en 2002 (2).
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De l’autre, M. Aécio Neves, un pur produit de l’élite brésilienne, élu « l’un des vingt-cinq hommes les plus sexy du Brésil » par la revue Istoe gente (3). Candidat du très peu social-démocrate Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), fils spirituel de l’ancien président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) responsable de l’ouverture du Brésil aux tempêtes financières (4), M. Neves incarnait, selon le New York Times, « le candidat le plus favorable aux marchés jamais apparu dans un pays en développement (5) ». Pour le poste de ministre de l’économie, il avait d’ores et déjà désigné M. Arminio Fraga, président de la Banque centrale brésilienne entre 1999 et 2002 et directeur du fonds de pension Gávea. A chaque frémissement dans les sondages répondait donc un spasme boursier : à la hausse, si M. Neves progressait ; à la baisse, s’il reculait.
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AÉCIO NEVES. PHOTO YASUYOSHI CHIBA |
Cruciale sur le plan intérieur — ne serait-ce que parce M. Neves menaçait de « rendre son indépendance » à la banque centrale du pays —, le scrutin l’était également sur le plan régional : « La perspective d’une défaite de la présidente Dilma Rousseff au second tour suscite une préoccupation profonde parmi ses alliés de la région, particulièrement le Venezuela et l’Argentine », se réjouissait O Globo il y a une semaine (10). Bien qu’en retrait politique par rapport aux gouvernements les plus radicaux d’Amérique latine, le Brésil en facilita les réussites en raison de son attitude bienveillante, qualifiée de « patience stratégique » à Brasília.
Grâce aux Brésiliens, la gauche latino-américaine dispose donc d’un contexte géopolitique moins défavorable pour tenter de remédier à ses difficultés économiques. Saura-t-elle en profiter ?
(1) Lire Lamia Oualalou, « Les évangélistes à la conquête du Brésil », Le Monde diplomatique, octobre 2014.
(2) Lire notre Manière de voir « Là où le Brésil va », octobre-novembre 2010.
(3) Cité par Nicolas Bourcier, « Aécio Neves, l’héritier », Le Monde, 23 octobre 2014.
(4) Lire Renaud Lambert, « Le Brésil, ce géant entravé », Le Monde diplomatique, juin 2009.
(5) James B. Stewart, « Investors back Brazil’s challenger », International New York Times, 25 et 26 octobre 2014.
(6) Lire Carla Luciana Silva « “Veja”, le magazine qui compte au Brésil », Le Monde diplomatique, décembre 2012.
(7) « Desastre nas contas externas », éditorial de O Estado de S. Paulo, 25 octobre 2014.
(8) Lire Janette Habel, « Un pays retrouve le chemin de la rue », Le Monde diplomatique, juillet 2013.
(9) Lire Geisa Maria Rocha, « Bourse et favelas plébiscitent “Lula” », Le Monde diplomatique, septembre 2010.
(10) Janaina Figueiredo, « Possível derrota de Dilma causa receio entre governos da Venezuela e da Argentina », O Globo, São Paulo, 19 octobre 2014.
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