mardi 7 octobre 2014

JEAN-CLAUDE DUVALIER, EX-DICTATEUR HAÏTIEN

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LES « VOLONTAIRES DE LA SÉCURITÉ NATIONALE » (VSN), 
- OU TONTONS MACOUTES - ÉTAIENT UNE POLICE SECRÈTE 
DANGEREUSE LOYALE SEULEMENT À JEAN-CLAUDE DUVALIER.
Élu président de la république haïtienne en 1957 en jouant des profondes tensions raciales qui agitent le pays depuis son indépendance, François Duvalier s’était attiré la sympathie des masses afro-américaines en vantant un programme « noiriste » émancipateur, fondé sur les travaux d’ethnologue qu’il avait menés durant sa jeunesse ; un discours radical, dirigé contre les élites mulâtres qui accaparaient les principaux leviers de pouvoirs depuis un siècle et demie, et détenaient tous les leviers de l’économie locale.

Son programme généreux lui avait assuré une élection confortable, mais sa pratique du pouvoir a surtout été marquée par les épurations et la terreur, entretenue par un bataillon de plusieurs milliers d’hommes chargé de la sécurité personnelle du président, constitué dès 1958. Une milice privée sanguinaire dont le surnom était emprunté aux contes pour enfant : les « tontons macoutes », auteurs d’innombrables exactions, assassinats et tortures.

L’opposition est muselée, la société civile étouffée, et une grande partie des élites locales doit fuir le pays. A la mort de François Duvalier, le 21 avril 1971, après quatorze années de corruption institutionnalisée et d’un culte de la personnalité renforcé par des références permanentes aux mythes vaudous, le PIB du pays a baissé de plus d’un tiers. Haïti est à genoux.

FASTE EXTRAVAGANT

Devenu « président à vie », « Bébé Doc » est le plus jeune chef d’Etat du monde. Son arrivée au pouvoir suscite des espérances à la mesure du bilan calamiteux de son père. Le jeune président mène un train de vie fastueux, laissant sa mère Simone et l’ancien ministre de l’intérieur de son père gérer l’essentiel des affaires du pays. Mais passée une courte parenthèse de libéralisation, il apparait bien vite que « Bébé Doc » n’entend rien changer aux pratiques de son père. La famille continue à s’enrichir par le pillage, utilisant la Régie du tabac et d’autres entreprises d’Etat comme caisses noires.

En 1980, « Bébé Doc » célèbre dans un faste extravagant son mariage avec Michèle Bennet, une jeune femme issue de la haute bourgeoisie métisse, avec qui il aura deux enfants. La corruption au sommet de l’Etat inclut désormais un nouveau clan, les Bennet, bientôt poursuivi par de persistantes rumeurs d’activités mafieuses. La vieille garde de « Papa Doc » est évincée et Simone Duvalier écartée.

Cette révolution de palais ne change pas le cours des choses : le pluralisme politique reste absent, le pillage des ressources se poursuit, et l’économie continue sa descente aux enfers. En 1978, l’éradication de la peste porcine provoque des abattages massifs qui compromettent les ressources de nombreux paysans, tandis que le tourisme chute. Bientôt, au début des années 1980, le sida devient un problème majeur. La misère et la malnutrition se généralisent.

En 1985, la terreur des « tontons macoutes » ne suffit plus à endiguer les révoltes qui éclatent dans plusieurs villes et Duvalier perd le contrôle de la situation. En janvier 1986, Washington, qui l’avait longtemps soutenu au nom de la lutte contre le communisme, le presse de démissionner. Le 7 février, il cède, remet le pouvoir aux militaires et fuit dans un avion de l’US Air Force. P endant que ses maisons sont pillées, que des centaines de « tontons macoutes » sont lynchés et que le mausolée de son père est profané par une foule en rage, il atterrit en France, à Grenoble.

MANŒUVRE POLITIQUE

En principe admis à titre provisoire, le président déchu va rester vingt-cinq ans dans le pays. Les Duvalier vivent bien : villa à Mougins (Alpes-Maritimes), château à Théméricourt (Val-d’Oise), yacht à Miami, appartements parisiens… Clients des joailliers et des grands couturiers, ils payent en liquide et ne possèdent rien à leur nom. Invérifiables, les estimations de leur fortune varient d’une à plusieurs centaines de millions de dollars. Après son divorce en 1993, Jean-Claude ne vivra plus sur le même pied : apparemment, ses principaux prête-noms n’étant pas de son côté.

Le 16 janvier 2011, entre les deux tours de l’élection présidentielle haïtienne et quatre jours après la première date anniversaire du tremblement de terre ayant fait plus de 220 000 morts et 300 000 blessés, Duvalier et sa nouvelle épouse rentrent à Port-au-Prince sur un vol d’Air France. A l’arrivée, il déclare qu’il veut « aider le peuple haïtien ». Certains le soupçonnent de tenter plutôt une manœuvre pour débloquer 4,6 millions d’euros gelés dans des banques helvétiques. Cependant, malgré le bon accueil que lui fait le président Michel Martelly, la justice lui demande des comptes.


Arrêté, il est remis en liberté avec limitation de ses déplacements. Il reste poursuivi par l’Etat pour ses détournements de fonds et par un groupe de plaignants qui l’accusent de crimes contre l’humanité.

En 2012, un juge d’instruction a ordonné son renvoi devant un tribunal correctionnel pour ses délits financiers sans retenir les atteintes aux droits humains. Après plusieurs refus de comparaître, Jean-Claude Duvalier s’était présenté devant la cour d’appel de Port-au-Prince en février 2013. Dans un arrêt du 20 février 2014, cette même cour avait finalement jugé recevable le grief de crimes contre l’humanité, imprescriptibles.