[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]
C’est une mission délicate que l’archevêque de Malte, Mgr Charles Scicluna, s’apprête à entamer, demain à New York, et à partir de mardi à Santiago du Chili. Pendant plusieurs jours, ce spécialiste des affaires d’abus sexuels dans l’Église doit en effet entendre les accusateurs de Mgr Barros, l’évêque d’Osorno, dont le cas empoisonne le pape et le Vatican depuis maintenant plusieurs semaines.
DESSIN AUREL |
En 2015, alors qu’aucune accusation n’avait jusque-là entaché la réputation de cet évêque depuis déjà vingt ans, Mgr Barros est accusé d’avoir été témoin des abus de Fernando Karadima, quand il était jeune, et de s’être tu depuis lors. Mais le pape François, à qui l’évêque offre par deux fois sa démission, le défend fermement, notamment au retour de son récent voyage au Chili et au Pérou.
JUAN CARLOS CRUZ LIT SA TABLETTE TACTILE PENDANT UN
ENTRETIEN AVEC L'ASSOCIATED PRESS À PHILADELPHIE,
DIMANCHE, LE 4 FÉVRIER 2018.
PHOTO YVONNE LEE |
L’audition se fera dans un contexte tendu, le nonce apostolique au Chili ayant demandé aux témoins de lui envoyer au préalable une déposition écrite. Au grand dam des victimes, scandalisées, qui l’accusent de vouloir ainsi contrôler leurs témoignages et qui rappellent sa proximité avec le cardinal Angelo Sodano. Nonce au Chili pendant la dictature, puis puissant secrétaire d’État de Jean-Paul II et actuel doyen du Sacré Collège, celui-ci est accusé d’avoir couvert nombre d’affaires d’abus sous le pontificat du pape polonais.
L’IMPOSITION DES MAINS LES ÉVÊQUES ET LEUR LEADER CHARISMATIQUE FERNANDO KARADIMA PHOTO TWITTER |
Mgr Scicluna semble bien capable de débrouiller cet écheveau, lui qui navigue depuis des années dans les eaux troubles des abus sexuels commis dans l’Église. Car derrière sa jovialité méditerranéenne, ce petit homme rond cache une détermination sans faille contre la pédophilie. « Il prenait sa mission très à cœur, allait au fond des dossiers et savait lutter contre les inerties et les clans à l’intérieur du Vatican», raconte Frédéric Mounier, vaticaniste de La Croix quand Mgr Scicluna était le promoteur de justice (procureur) de la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Le 2 avril 2005, alors que Jean-Paul II se meurt au Vatican, le cardinal Ratzinger l’envoie aux États-Unis interroger les victimes du père Marcial Maciel, fondateur des Légionnaires du Christ. Pensant partir bientôt à la retraite, le cardinal entend « boucler » pour son successeur ce dossier, longtemps freiné par l’entourage de Jean-Paul II. Un an plus tard, la Congrégation pour la doctrine de la foi condamne Marcial Maciel.
Sous le pontificat de Benoît XVI, dont il a toute la confiance, Mgr Scicluna deviendra l’homme de la « tolérance zéro » contre la pédophilie, agissant sur le plan judiciaire, mais aussi pour la prévention. Récompense de ses services, il est nommé évêque auxiliaire de Malte en 2012, avant que François ne le nomme archevêque en 2015, tout en faisant appel à lui dans les cas difficiles.
MGR CHARLES SCICLUNA, À L’ONU À GENÈVE, LE 16/01/2014 PHOTO FABRICE COFFRINI |
Ainsi, en 2014, quand il vient à la rescousse du Saint-Siège pour défendre l’action de l’Église devant le Comité des droits de l’enfant des Nations unies à Genève. « C’est le meilleur limier du Vatican, résume Frédéric Mounier. Si François l’envoie sur place, c’est qu’il est décidé à aller au bout du dossier, au-delà de ce qu’il en sait. » Au-delà, aussi, de ce que certains services de la Curie ont peut-être pu lui en dire.