lundi 6 janvier 2014

CHILI: LES CHIFFRES NOIRS CACHÉS EN 2013


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MILTON FRIEDMAN EXERÇA UNE INFLUENCE IMPORTANTE SUR LES ÉCONOMISTES CHILIENS SURNOMMÉS LES «CHICAGO BOYS » 

Selon eux, cette façon de voir aurait une certaine rationalité dans un pays avec une composition sociale homogène et une démocratie forte (droits sociaux garantis, canaux efficaces de participation populaire et syndicale) mais pas au Chili, paradis du néo-libéralisme et champion de l'inégalité. Ils reprennent donc en cinq chapitres quelques chiffres de 2013 et ouvrent le débat pour 2014.

1. L'inégalité est pire que ce que nous pensions.

Au début de l'année, trois chercheurs de l'université du Chili (López, Figueroa et Gutiérez) ont publié une étude appelée  La part du lion: nouvelles estimations de la participation des super riches dans le revenu du Chili . On y mesure les revenus des foyers les plus riches en y incluant les revenus de capital. Les chiffres sont à la fois révélateurs et honteux: le 1% des plus riches concentre 31 % des revenus. A titre de comparaison, 12,1 % en Allemagne et 9,1 % en Suède. Le Chili présente les plus hauts niveaux de concentration et d'accumulation pour les pays dans lesquels il est possible d'effectuer ce type de mesure.  

En zoomant sur ce segment, on s'aperçoit que le 0,1 % des plus riches concentre 18 % des revenus. Ce qui signifie un revenu annuel de plus de 80 millions de dollars par personne...

Bien entendu, ces informations n'ont pas été relayées par les médias. La gravité des chiffres réside dans le fait que dans le même pays, 75 % des ménages lourdement endettés vit avec moins de 800.000 pesos par mois (1.100 euros). Conclusion: la richesses des uns se multiplie grâce à la précarité de beaucoup. Plus précisément, en observant l'évolution de l'inégalité entre 1990 et 2011, on constate que la brêche entre les revenus par personne entre les  5 % des foyers les plus pauvres et les 5 % des plus riches a doublé pour atteindre 257 fois.

2. Combien gagnent les Chiliens ?

Les chiffres des cotisants aux fonds de pensions
indiquent un revenu imposable moyen d'environ 600.000 pesos (830 euros) et le dernier sondage d'un Institut National (CASEN) le situe autour de 440.000 pesos (610 euros). Est-ce là la réalité salariale du pays?

Dans un pays aussi inégalitaire que le Chili, il est plus juste de mentionner la médiane de la distribution plutôt que la moyenne et ainsi obtenir une image plus exacte de la situation.

Selon un article du 11 juillet du journal "El Mercurio" dans lequel les bas salaires sont reconnus, 50 % des travailleurs chiliens gagnent moins de 251.620 pesos (350 euros), montant qui atteint 273.500 pesos (380 euros) si nous prenons en compte ceux qui travaillent à temps complet dans les grandes entreprises de plus de 200 travailleurs. Ces chiffres sont confirmés par un sondage relatif au budget familial dans les capitales régionales.

De longues et difficiles négociations (entre gouvernement et parlementaires) ont abouti en 2013 à approuver un salaire minimum de 210.000 pesos (290 euros) qui représente moins de 30 % du PIB par personne, ce qui revient à qualifier ce salaire de mini salaire minimum. La réalité économique du pays permet juste avec ce salaire de payer un loyer de 140.000 pesos (195 euros) et le transport pour se rendre au travail.

En revanche, on observe que les salaires des cadres supérieurs des grandes entreprises sont de 30 millions de pesos par mois en moyenne (41.500 euros).  Les seules  rémunérations variables de ce groupe ont augmenté de 25 % entre 2008 et 2012.

3. Emploi de qualité: combien de personnes entrent dans une Fiat 600 ?


Cette année, le Gouvernement a continué sa course effrénée vers la création d'un million d'emplois de "qualité". Chaque mois, on nous informait sur le nombre d'emplois créés et les chiffres du chômage, indicateurs classiques mais en aucun cas le seul "thermomètre" pour mesurer la situation de l'emploi d'un pays. Le Gouvernement osait même dire que la plupart des emplois étaient de qualité car avec contrat.

Néanmoins, de nombreux indicateurs supplémentaires ont été omis (bien que les informations pour les calculer soient disponibles) sauf un document du Secrétariat Général de la Présidence de la République qui reconnaît l'augmentation des emplois précaires.

En particulier, on ne nous a pas dit que:

- Le chili n'est pas au bord ni dans le plein emploi et, bien que montrant un taux de chômage de 6 %, le pays compte plus de 660.000 personnes sous employées (travaillant moins de 30 heures par semaine, disposées à travailler plus d'heures mais ne pouvant le faire faute de propositions dans ce sens). Les sous-employés chiliens travaillent en moyenne 3 heures et demie par jour et la moitié gagne moins de 85.000 pesos par mois (120 euros).

En plus, un grand nombre de personnes en âge de travailler (surtout des femmes) ne sont pas incorporées à la main d'oeuvre disponible.

 - De 2010 à aujourd'hui, le pourcentage de travailleurs en sous-traitance est passé de 11,5 à 17% de l'emploi salarié. Depuis 2010, 60 % du total des emplois salariés crées correspond à des emplois précaires.

- Des 905.000 emplois nouveaux enregistrés entre début 2010 et fin novembre 2013, 72,4 % sont des emplois en sous-traitance, considérés de basse qualification ou non rémunérés.

4. Grèves de la faim pour obtenir des conditions de travail élémentaires.

En ce qui concerne les conflits, 2013 a débuté par un arrêt de travail dans le secteur portuaire (qualifié d'illégal par l'establishment) afin d'obtenir un repos d'une demi heure par jour pour déjeuner. Les conflits se sont multipliés dans les supermarchés, les hôtels de luxe, les boutiques de luxe, les magasins de bricolage et d'autres que les moyens de communications n'ont jamais mentionnés et des travailleurs ont dû recourir à la grève de la faim, occupation nocturne des rives du Rio Mapocho qui traverse Santiago et d'autres actes extrêmes pour que l'on se rende compte que:

1)  le travailleur chilien passe un mauvais moment et que nous continuons de négocier des conditions de travail élémentaires.

2)  la législation chilienne datant de 1979 ne permet pas de négociations au delà de l'entreprise (un syndicat inter-entreprises est possible si l'employeur est d'accord) mais permet de remplacer un travailleur en grève dès le premier jour, législation préhistorique, autoritaire qui ne passe pas le test de la liberté syndicale.  En résumé, les grèves sont impuissantes et les travailleurs n'ont pratiquement aucun pouvoir de pression sur l'employeur pour réclamer de meilleurs salaires et une juste répartition des bénéfices.


5. Le Chili n'a pas de système de pensions.

Finalement, cette année sont apparues quelques informations qui ont secoué les fondements du système des Fonds de Pensions. D'abord, le conseiller de la Banque Centrale, Joaquín Vial, indiqua que 60 % des premiers contributeurs du système recevront une pension moyenne de 150.000 pesos (210 euros). Par la suite, le rapport de l'OCDE "Panorama des pensions 2013", révéla que le taux de remplacement brut pour un homme qui cotise sans arrêt de 20 à 65 ans sera de 41,9 %, ce qui signifie que si son revenu imposable est de 600.000 pesos, il recevra 251.400 pesos de pension. Pour une femme qui cotise de 20 à 60 ans, le taux de remplacement sera de 33%, soit une pension de 198.000 pesos.

Les informations que diffuse en permanence l'Office des pensions ne sont pas plus optimistes: 85 % des pensions de vieillesse payées actuellement par les Fonds de Pensions sont inférieures à 140.000 pesos.

En plus, la pension de base solidaire, qui couvre 400.000 personnes de plus de 60 ans, est de 82.000 pesos et loin de satisfaire les besoins de base pour un pays comme le Chili.

Il est difficile de trouver dans le monde un système dont l'axe central ou squelette du système soit la capitalisation individuelle privée. Dans la majorité des pays existent des systèmes de répartition ou mixtes, avec des variantes de comptes notionnels ou fonds d'investissement (réalité de divers pays asiatiques).

 Le système chilien des Fonds de Pensions, même en incluant la bouée de sauvetage du pilier solidaire, ne passe pas le test des principes de base auxquels tout système de sécurité sociale doit répondre (universalité, égalité de traitement et d'accès, solidarité et redistribution, adéquation, viabilité financière, responsabilité de l'Etat et participation des travailleurs) et répond donc seulement à un système privé d'assurance ou d'épargne forcée et non à un système de pensions

Si les pensions sont mauvaises et les Fonds ne répondent pas aux objectifs poursuivis par tout système de sécurité sociale, leur véritable attractivité de situe sur deux autres dimensions:

1) dans les montants accumulés (160 milliards de dollars US) et qui sont prêtés (investis) dans des conditions inégalables dans les grands groupes économiques (10 entreprises et 10 banques reçoivent plus de 45 milliards de dollars US) .

2) dans l'attrayante offre de travail qu'elle représente pour ceux qui désirent être membres du conseil d'administration d'un Fonds de Pensions, dont la liste reprend des ex ministres, ex secrétaires d'Etat, Ex super-intendants, ex chefs de services de ministères appartenant à tous les partis qui ont gouverné depuis 20 ans.

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MILTON FRIEDMAN AU CHILI EN 1975 

Note: Au vu de la dernière phrase de cet article, on peut s'interroger à propos de la volonté politique du prochain gouvernement de mettre tout en oeuvre pour changer. Ceci démontre bien que la tâche qui attend la Présidente élue Michelle Bachelet est très lourde et que des mesures doivent être prises très rapidement pour effacer ces inégalités sociales et rendre aux travailleurs chiliens leurs dignité perdue en quarante années de système néo libéral. Il n'a pas été question ici des problèmes relatifs à l'éducation ou au système de santé public qui, à eux seuls représentent un défi gigantesque pour le futur Gouvernement. L'ex Concertation devenue La Nouvelle Majorité n'aura aucune excuse si le programme de Bachelet n'est pas appliqué intégralement. Ils disposeront de toutes les majorités nécessaires à la chambre comme au sénat...à eux de jouer.