mercredi 23 mai 2018

VÉNÉZUÉLA : DANGER

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VMADURO RÉÉLU JUSQU’EN 2025
L’élection présidentielle vénézuélienne vient de se dérouler, finalement sans surprise. Avant le scrutin, les données étaient claires. Nicolas Maduro devait, dans des conditions économiques et sociales bien connues, rassembler le vote chaviste.
VENEZUELA : DANGER
Pour sa part, l’opposition, défaite lors derniers scrutins de fin 2017, divisée, associée dans l’opinion publique vénézuélienne (indépendamment de ce que cette dernière peut penser de Nicolas Maduro) aux violences du printemps 2017, et mise sous pression par le gouvernement, partait en ordre dispersé.

Dans sa majorité, elle appelait au boycott de l’élection, privilégiant la stratégie du « changement de régime », appuyée ici par Washington et chaque jour plus suivie par l’Union européenne, dont la France.

Une partie, celle que représente Henri Falcon, partait elle à l’élection considérant qu’il faut battre le chavisme par les urnes, éviter un « changement de régime » appuyé par l’extérieur, trouver une solution de l’intérieur et assumer de gouverner maintenant pour changer de politiques économiques (dollarisation, sollicitation du FMI).

Au niveau international, le groupe de Lima (rassemblement de 14 pays américains – centre droit et droite) soutenant l’opposition et dénonçant une rupture de l’ordre démocratique dans le pays, Washington et l’UE avaient prévenu depuis des semaines qu’ils ne reconnaîtraient pas de toute manière les résultats de l’élection.

Le vote s’est ainsi déroulé. Nicolas Maduro a réuni le vote chaviste. Dans ce contexte, sa victoire électorale est importante. Avec près de 68 % des voix, il est mieux élu, en proportion du nombre d’inscrits, que nombre de dirigeants mondiaux actuellement au pouvoir (Donald Trump aux Etats-Unis, Mauricio Macri en Argentine ou Juan Manuel Santos en Colombie). Toutefois, dans un contexte de forte abstention, cette victoire ne signifie pas un triomphe politique.

Avant la fin du vote, Henri Falcon a annoncé qu’il n’en reconnaissait plus la légitimité. Le reste de l’opposition lance une campagne sur le thème de la fraude.

Rien de neuf au Venezuela. Chacun joue sa partition. Chaque scrutin fait ainsi l’objet de ce type de campagne de la part de l’opposition. Pourtant, plus de 150 accompagnateurs internationaux étaient sur place (Union africaine, pays de la Caraïbe, Conseil des experts électoraux latino-américains) – ceux de l’UE et des Nations unies avaient refusé d’être présent pour ne pas légitimer le scrutin malgré les appels du gouvernement à venir –, les candidats à l’élection et leurs équipes ont directement participé à l’organisation du scrutin (17 contrôles techniques du système avant l’élection).

Nicolas Maduro a demandé un audit général du vote. Il annonce une refondation économique, promet des mesures nouvelles et énergiques en matière monétaire et de lutte contre la corruption interne et du secteur privé. Il peut compter sur l’appui de l’armée, ses 6 millions de voix et sur un pétrole qui augmente et dont les perspectives de hausse dans les mois à venir semblent se confirmer.

Maintenant, que peut-il se passer ?

Nicolas Maduro est réélu jusqu’en 2025. Il propose un « gouvernement de réconciliation », un « gouvernement d’union nationale pour réaliser la révolution ». Le 23 mai 2018, il a demandé à ce que la Commission pour la vérité, la justice, la paix et la tranquillité publique (instance créée au sein de l’Assemblée nationale constituante après les violences du printemps 2017) formule des propositions pour faciliter cette « réconciliation », dont certaines spécifiquement destinées à l’attention des dirigeants de l’opposition écartés de la vie politique car condamnés dans le cadre des événements de 2017.

Henri Falcon demande une nouvelle élection en octobre. Le reste de l’opposition va devoir se positionner. Nicolas Maduro propose un dialogue avec tous les candidats du 20 mai pour écrire la suite. Le troisième homme de l’élection, l’évangélique Javier Bertucci, s’y déclare prêt.

Mais surtout, les pays du Groupe de Lima annoncent des mesures qui confirment l’arrivée d’un régime de sanctions financières et commerciales renforcé contre le Venezuela. Ils demandent à leurs banques, entreprises et institutions de conditionner toute transaction avec le Venezuela à l’approbation de l’assemblée nationale du pays (dirigée par l’opposition).

De fait, c’est une reconnaissance politique donnée à l’opposition en lieu et place du gouvernement élu.

Dans leur sillage, Donald Trump a signé, le 22 mai, un nouveau « décret présidentiel » qui renforce l’embargo financier et commercial sur le Venezuela. Aucune personne ou entité américaines ne peut acheter des titres de la dette souveraine du pays, des actifs ou des biens du gouvernement vénézuélien aux Etats-Unis ou appartenant à une entité vénézuélienne dans laquelle l’Etat est présent à hauteur de 50 % (visée ici Pdvsa, la compagnie pétrolière nationale). Cette fois-ci, le président américain semble ouvrir la voie à une possible restriction des importations de pétrole vénézuélien dans son pays. En retour, le président vénézuélien a renvoyé les principaux diplomates américains en poste à Caracas aux Etats-Unis qu’il accuse de « conspiration ».

Les pays du G7 ont pour leur part déclaré, le 23 mai, que l’élection vénézuélienne « manquait de légitimité et de crédibilité ».

Ces décisions rendent impossible le moindre redressement économique du pays, le promettent à toujours plus d’étranglement et de difficultés d’approvisionnement et vont stimuler des phénomènes de radicalisation politique chez tous les acteurs. Les « hardliners » vont se renforcer dans une dynamique d’affrontement.

Aucune solution politique dans ces conditions, plus de polarisation et une escalade qui peut projeter le pays vers un point de non retour.

La crise vénézuélienne peut devenir inflammable dans toute la région. Chine, Russie, Turquie, Bolivie, Cuba, Équateur, Nicaragua, soutiennent la réélection de Nicolas Maduro.

Plus que jamais, pour l’avenir du Venezuela et de la stabilité régionale et internationale, un dialogue politique est nécessaire. Un tel dialogue ne peut être productif que s’il n’est pas soumis à des politiques de pression et de sanctions internationales. La responsabilité de nos gouvernements est engagée.