[ Cliquez sur l'image pour l'agrandir ]Le Chili veut rendre imprescriptibles les délits sexuels contre les enfants. Le Parlement a commencé cette semaine à examiner en urgence un projet de loi en ce sens. À l'heure actuelle, passé un délai de cinq ou dix ans, il n'est plus possible de poursuivre en justice une personne soupçonnée d'avoir violé, agressé ou harcelé sexuellement un enfant.
LE PAPE FRANÇOIS, ENTOURÉ D'ENFANTS À SON
ARRIVÉE À IQUIQUE, AU CHILI, EN JANVIER 2018.
PHOTO OSSERVATORE ROMANO
Les associations saluent cette initiative, proposée par le président de droite Sebastian Piñera. D'autant plus qu'elle intervient après plusieurs viols et agressions sexuelles contre des enfants qui ont profondément choqué le Chili.
Le cas le plus emblématique est celui d'Ambar, un bébé d'un an et sept mois. La fillette est morte fin avril dans le centre du pays après avoir été violée et frappée par le compagnon de sa tante, chez qui elle avait été placée.
Quelques jours plus tard, une autre accusation d'agression sexuelle, sur un bébé de 15 mois cette fois-ci, a été révélée dans la même région. Là encore, le nourrisson avait été placé chez des parents proches de sa mère.
Des cas qui ont profondément marqué les esprits
Ces cas récents s'ajoutent à deux autres importants scandales qui agitent le Chili depuis des années.
Depuis 2016, les révélations se succèdent concernant les mauvais traitements dans les centres gérés ou subventionnés par les services sociaux d'aide à l'enfance, y compris des cas de violences sexuelles.
PHOTO CLAUDIO REYES |
Quant au deuxième scandale, il remonte à 2010, une retentissante affaire de pédophilie dans l’Eglise. Plusieurs hommes avaient accusé Fernando Karadima, le prêtre d’un quartier chic de Santiago, de les avoir agressés sexuellement pendant leur adolescence.
Les victimes avaient dans un premier temps dénoncé les faits auprès de la hiérarchie catholique, sans succès. Le prêtre n'a jamais pu être jugé car les faits étaient déjà prescrits.
L'affaire fait toujours la Une des médias chiliens, car le pape reçoit jusqu’à ce jeudi soir les évêques chiliens pour évaluer leurs responsabilités dans cette affaire, et pourrait en sanctionner plusieurs à l’issue de cette semaine.
Que pourrait apporter cette nouvelle loi aux victimes ?
Plusieurs associations de défense des droits de l’enfant et de lutte contre les violences sexuelles soulignent qu’il est déjà difficile de parler pour les personnes agressées sexuellement ou violées à l’âge adulte. C'est donc encore plus compliqué pour les enfants.
D’autant plus que bien souvent, ces enfants côtoient leur agresseur au quotidien, qu’ils ne connaissent pas leurs droits et que leur parole n’est pas forcément prise au sérieux. Résultat : quand ils osent enfin parler, les faits sont généralement prescrits et ces enfants ne peuvent donc pas avoir accès à la justice.
À priori, la loi a de bonnes chances d’être adoptée. Le président Piñera a repris une proposition de loi déposée par la gauche, il y a déjà longtemps, sur le même sujet. Il a simplement introduit dedans la fin de la prescription des délits sexuels sur mineurs.
Un élément pose encore question : celui de savoir si le texte sera bien jugé conforme à la Constitution. Il faudra attendre encore plusieurs semaines avant d’en être certains.
Mais si la loi est adoptée, le Chili rejoindrait le Canada, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore l’Argentine, des pays qui ont décidé de supprimer les délais de prescription concernant les délits sexuels sur mineurs.