jeudi 24 mai 2018

LA COUR DE CASSATION AUTORISE L'EXTRADITION DE MARIO SANDOVAL VERS L'ARGENTINE


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LA MÈRE DE L'ÉTUDIANT DISPARU HERNAN ABRIATA TIENT
UN PORTRAIT DE SON FILS LORS D'UNE MANIFESTATION
DEVANT L'AMBASSADE FRANÇAISE À BUENOS AIRES, EN AVRIL 2014.
PHOTO DANIEL GARCIA 
L'ancien officier de police est mis en cause dans la disparition d'un étudiant en 1976, au début de la dictature militaire.
 MARIO « CHURASCO » SANDOVAL 
Cour d'appel de Paris et Conseil constitutionnel en 2014, Cour de cassation en 2015, cour d'appel de Versailles en 2017 et à nouveau Cour de cassation en 2018. À 64 ans, dont 33 passés dans l'Hexagone, Mario Alfredo Sandoval est désormais un fin connaisseur des rouages de la justice française. Le combat du sexagénaire? Échapper à l'extradition vers l'Argentine, son pays d'origine, qui l'attend de pied ferme depuis l'émission d'un mandat d'arrêt international en 2012 par le juge Sergio Torres.

Combat finalement perdu: dans son arrêt rendu ce jeudi la Cour de cassation a décidé de rejeter le recours de Mario Sandoval. Un décret d'extradition doit désormais être signé. «On va tout mettre en œuvre pour que cette signature intervienne le plus rapidement possible» afin d'éviter que le principal intéressé ne prenne la fuite, a déclaré à Reuters Me Sophie Thonon-Wesfreid, qui représente Buenos Aires. «Il est temps que Mario Sandoval réponde de ses actes devant la justice argentine».

Naturalisé en 1997

L'ancien officier de police de Buenos Aires est accusé d'avoir participé aux exactions - «crimes contre l'humanité, privation de liberté et torture ayant entraîné la mort» - commises par les membres de la dictature militaire, au pouvoir entre 1976 et 1983. Arrivé en France en 1985, l'Argentin se construit une toute nouvelle vie: après un DEA de philosophie politique et un doctorat en science politique, il enseigne dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur et obtient la nationalité française en 1997.

 MARIO « CHURASCO » SANDOVAL 
Deux ans après l'émission du mandat d'arrêt, le 28 mai 2014, la Cour d'appel de Paris autorise l'extradition de Mario Sandoval, alias « Churrasco ». Elle retient néanmoins seulement le cas de la disparition en 1976 d'un étudiant en architecture de 25 ans, Hernan Abriata, dont la dépouille n'a jamais été retrouvée. Si l'Argentine soupçonne en effet Sandoval d'avoir participé durant cette période à plus de 500 faits de meurtres, tortures et séquestrations, le dossier Abriata est le seul sur lequel elle s'appuie pour demander son extradition car elle dispose d'une dizaine de dépositions l'impliquant. « Précisons que la justice française n'est pas là pour dire si mon client est coupable ou innocent, mais s'il peut être extradé ou non », souligne Me Jérôme Rousseau, l'avocat du Franco-Argentin. Ce dernier a toujours clamé son innocence.

Marathon judiciaire

Mario Sandoval contre-attaque en posant une question prioritaire de constitutionnalité. « La règle est que la France n'extrade pas ses nationaux, sauf ceux qui n'étaient pas Français au moment des faits. Nous avons estimé que cette règle allait à l'encontre du principe d'égalité, et que cela créait deux catégories de Français: ceux par naissance et ceux par acquisition », explique Me Jérôme Rousseau, avocat à la Cour de cassation. Dans son avis du 14 novembre 2014, le Conseil constitutionnel donne tort à l'avocat et son client.

L'affaire se retrouve donc devant la Cour de cassation, qui offre en 2015 une première victoire au sexagénaire en annulant la décision de la Cour d'appel. «La Cour de cassation a estimé que la cour d'appel n'avait pas expliqué comment la séquestration d'Hernan Abriata avait pu perdurer au-delà de la fin de la dictature et alors même que Mario Sandoval était parti vivre en France. L'infraction n'est donc pas continue, et de ce fait, il y a prescription», reprend Maître Rousseau.

L‘affaire est renvoyée devant la cour d'appel de Versailles. Le 19 octobre 2017, celle-ci rend un avis favorable à l'extradition du sexagénaire vers l'Argentine. Une décision une nouvelle fois contestée par le principal intéressé, qui se pourvoit à nouveau en cassation. «Nous avons réitéré, à peu de chose près, notre argumentation de 2015», précise Me Rousseau. Une stratégie qui ne se sera donc pas, cette fois, avérée payante...« C'est une déception puisqu'on espérait que la Cour de cassation soit cohérente avec le précédent arrêt », a confié Maître Rousseau à Reuters après l'annonce de la décision.