vendredi 18 mai 2018

VÉNÉZUÉLA À CARACAS, LE SCRUTIN EST FIN PRÊT… LES INGÉRENCES AUSSI


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DURANT CES DERNIÈRES SEMAINES, NICOLAS MADURO A
RÉITÉRÉ LES GRANDS OBJECTIFS SOCIAUX DE SON ÉVENTUEL
FUTUR MANDAT. ICI DANS LA VILLE DE LA GUAIRA, LE 2 MAI
PHOTO CARLOS GARCIA RAWLINS
Plus de 20 millions de Vénézuéliens élisent, dimanche, leur futur président. Marqué par la crise économique, ce scrutin, boycotté par une fraction de l’opposition de droite, sert de prétexte aux États-Unis à un interventionnisme plus soutenu.

LES ÉTATS-UNIS CONTRE LE VENEZUELA
Si l’élection présidentielle a bien lieu dimanche au Venezuela, l’issue, elle, pourrait se jouer à l’étranger, à Washington plus précisément. Le vice-président des États-Unis, Mike Pence, s’est cru autorisé à déclarer, le 9 avril, que son gouvernement « ne restera pas les bras croisés, tandis que le Venezuela sombre dans la dictature et l’oppression ». « Le président Trump est absolument engagé à faire le nécessaire avec nos alliés de la région pour restaurer la démocratie », a-t-il menacé, en qualifiant de « simulacre » le scrutin du 20 mai. C’est un secret de Polichinelle : la Maison-Blanche a pesé de tout son poids pour que l’opposition boycotte la présidentielle afin de porter un coup d’estocade au gouvernement socialiste. À la suite de la crise meurtrière du printemps 2017, les autorités vénézuéliennes et les dirigeants de droite ont tenu 150 réunions publiques et secrètes afin de convenir de l’élection, que demandait ardemment la coalition de l’opposition. Mais, alors qu’un accord politique était imminent, l’ex-secrétaire d’État américain, Rex Tillerson, qui entreprenait alors une tournée en Amérique latine, a forcé l’opposition à se retirer des négociations afin d’isoler et de discréditer le pouvoir socialiste.

L’opposition a son candidat en la personne d’Henri Falcon

L’OPPOSITION A SON CANDIDAT
 EN LA PERSONNE D’HENRI FALCON
Au grand dam de Washington, la droite aura bel et bien un représentant en la personne d’Henri Falcon. En dépit des ingérences, les principaux aspirants aux plus hautes fonctions de l’État ont mené à terme leur campagne. Selon des sondages, le président Nicolas Maduro, candidat à sa réélection pour le Grand Pôle patriotique (qui comprend le Parti socialiste uni du Venezuela et une dizaine d’autres formations), pourrait l’emporter, dimanche. « La meilleure démonstration de notre démocratie est la participation électorale. Nous espérons qu’elle dépasse les 58 %. Cela serait un appui au processus démocratique quand nombre de pays développés, qui agitent les drapeaux de la liberté, connaissent des taux d’abstention impressionnants. Le peuple vénézuélien affronte des problèmes économiques très complexes en raison de l’inflation, de la guerre économique, des attaques contre le système de change et la monnaie nationale, mais également de la corruption à l’intérieur du gouvernement », considère Raul Carreño, vice-ministre à l’Investissement étranger, qui était de passage à Paris cette semaine.

Durant ces dernières semaines, Nicolas Maduro a réitéré les grands objectifs sociaux de son éventuel futur mandat, comme le renforcement du système éducatif public, avec l’objectif de 100 % de scolarisation ou encore la construction de trois nouveaux millions de logements sur les cinq annoncés dans le cadre de la Grande Mission Logement. Mais, c’est surtout sur le plan économique – « la grande dette avec notre peuple », selon Raul Carreño – que le prochain gouvernement est attendu, alors que le pays est plombé par une hallucinante hyperinflation de 7 000 %. Les sanctions économiques et financières décrétées unilatéralement par les États-Unis ont aggravé les pénuries d’aliments et de médicaments, 64 % de ces derniers étant importés. « La révolution bolivarienne traverse actuellement un processus de régénérescence pour engendrer les ressources. Cela ne sera possible que si nous sommes hautement productifs et compétitifs. Notre système économique ne peut reposer exclusivement sur la rente pétrolière. Il faut diversifier l’économie, promouvoir nos potentialités pour être récepteurs d’investissements étrangers. Nous sommes la première puissance mondiale en réserves pétrolières. Nous possédons les plus grandes réserves d’or du continent. Nous avons les huitièmes réserves mondiales en gaz et d’importantes ressources en fer, aluminium et coltan. Le problème, ce ne sont donc pas les ressources ou le capital, mais comment les utiliser. Nous voulons fortifier notre système monétaire avec le petro, la crypto-monnaie, mais dès son lancement, la Maison-Blanche a annoncé des sanctions contre quiconque commercerait avec. Il s’agit d’une véritable persécution pour nous étrangler », soutient le vice-ministre.

Dimanche, le principal adversaire de Nicolas Maduro sera Henri Falcon. Des enquêtes le donnent d’ailleurs favori du scrutin. Ce militaire à la retraite et ancien gouverneur de l’État de Lara, qui fut chaviste avant de passer en force dans l’opposition, est secrétaire général d’Avanzada Progresista et soutenu par le Mouvement au socialisme (MAS) et une fraction du vieux parti social-chrétien (Copei – droite). « Nous avons gagné une observation internationale complète du processus (électoral), du début jusqu’à la fin », a-t-il déclaré lors du lancement de sa candidature, démentant ainsi le manque de garanties du scrutin. Autre forme de désaveu pour les détracteurs de l’élection : Henri Falcon, qui a été directeur de campagne d’Henrique Capriles, à deux reprises candidat malheureux à la présidentielle sous les couleurs de la coalition de la droite, a annoncé qu’en cas de victoire, il l’intégrerait dans son exécutif.

L’Union européenne emboîte le pas à Washington

Le leader de l’opposition a lui aussi axé sa campagne sur la crise économique. Sa proposition phare est la dollarisation de l’économie vénézuélienne. « Il faut recourir au FMI pour chercher un financement pour le Venezuela. S’il faut le faire avec la Banque mondiale, la Banque interaméricaine de développement, le gouvernement des États-Unis, nous le ferons (…) Le Venezuela doit s’intégrer dans la communauté des nations dans les conditions de compétitivité », a-t-il exhorté.

On observera également avec attention les résultats du pasteur Javier Bertucci, alors que les églises évangéliques, en essor permanent, captent désormais un cinquième des habitants du continent. Le candidat du mouvement Espérance pour le changement entend lui aussi se tourner vers les États-unis, avec lesquels il entretient des relations, a-t-il précisé, afin d’ouvrir un canal d’« aide humanitaire », ses contacts états-uniens lui ayant promis de « remplir en deux semaines les ports du Venezuela avec de la nourriture et des médicaments », en cas de victoire. Une hérésie aux yeux des chavistes, qui voient là un asservissement. « Nous ne voulons pas d’aide humanitaire. Nous disons : “Laissez-nous commercer, laissez-nous acheter avec les ressources que nous possédons.” Nous avons plus de 8 milliards de dollars bloqués dans différentes banques internationales en raison des sanctions commerciales. C’est une forme d’apartheid économique ! » fustige Raul Carreño.

L’interventionnisme n’a pas dit son dernier mot. Les gouvernements de droite de la région dits du groupe de Rio ont exigé, lundi, la suspension de l’élection. Quant à l’Union européenne, elle a déjà emboîté le pas à Washington. Benoîtement.

Cathy Dos Santos
Journaliste à la rubrique Monde