mardi 19 octobre 2010

Sebastian Piñera : "Le Chili n'est plus le même"

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Le milliardaire conservateur Sebastián Piñera, Président de la République du Chili, s'était rendu à Londres, où il a été reçu par la reine Elisabeth. Il a remis un morceaux de roche provenant de de la mine. Photo Presidencia de la República de Chile


En visite officielle de quarante-huit heures, Sebastian Piñera sera reçu par le président Nicolas Sarkozy avec qui, a-t-il expliqué au cours d'une interview accordée au Monde, il entretient "une amitié de longue date". Il confie "admirer" le président français qui, avec le premier ministre britannique, David Cameron, "sont des leaders qui ont rénové le centre droit traditionnel, et proposé de nouvelles solutions pour résoudre de vieux problèmes". Il se reconnaît dans "leur force de caractère, leur cohérence et leur courage".
Evoquant la crise sociale en France, il ajoute que "évidemment le président Sarkozy peut parfois se tromper, mais c'est au peuple français de juger".
Il commente son leadership pour retrouver les mineurs de San José "enterrés sous des tonnes de roches, à 700 mètres sous terre". "Le jour même de l'accident, raconte le chef de l'Etat, quand le gouvernement a réalisé la gravité de la situation et qu'il a su que l'entreprise privée était dans l'incapacité d'organiser un sauvetage, je me suis engagé à faire tout ce qui était nécessaire, d'abord pour les retrouver, ensuite pour les sauver."
"Ce qui semblait une mission impossible s'est transformé en une victoire de la foi et de l'espérance sur l'angoisse et le pessimisme. C'est aussi le triomphe de l'excellence et du compromis", poursuit-il. "Plusieurs chefs d'Etat m'ont assuré que, dans beaucoup de pays, on se serait contenté de mettre 33 croix pour commémorer la mort des mineurs", ajoute M.Piñera.
FAIRE "LES CHOSES À LA CHILIENNE"
Il assure que le président Obama lui a confié qu'aux Etats-Unis ses conseillers lui demandent désormais de faire "les choses à la chilienne". "Le Chili n'est plus le même. C'est un pays plus uni, plus fort, avec davantage de confiance en lui-même, mais aussi plus respecté sur la scène internationale." M. Piñera confesse "être motivé par les défis". Il note avoir assumé la présidence, en février, "dans l'adversité, cinq jours après une autre tragédie : un séisme dévastateur, suivi d'un tsunami, qui a détruit un tiers des écoles, des hôpitaux et des ponts, et anéanti plus de 250000 logements".
Le chef de l'Etat promet la même "efficacité" pour résoudre les problèmes du Chili que celle appliquée pour sauver les mineurs. Interrogé sur les inégalités sociales, il qualifie ses objectifs de "plus ambitieux" que ceux de la coalition de centre gauche qui a dirigé le pays pendant vingt ans.
Le chef de l'Etat ne se prive pas de critiquer le gouvernement précédent de la socialiste Michelle Bachelet : "La pauvreté avait diminué entre 1990 et 2006, mais, au cours des trois dernières années, loin de baisser, elle a de nouveau augmenté, passant de 13,7% à 15,1%. Entre 2006 et 2009, 500 000 personnes sont devenues pauvres." La croissance, dit-il, "avait chuté en 2009 avec une perte de 30 000 emplois et une baisse de 15% des investissements. Cette année, la croissance atteindra 6,5%, les investissements vont augmenter de 25%, et nous allons créer 300 000 postes de travail." Sebastian Piñera propose de faire du Chili, avant la fin de la décennie, "un pays développé, sans pauvreté, qui garantit la sécurité, l'égalité des chances pour tous et un niveau de revenu équivalent à ceux des pays du sud de l'Europe, tels le Portugal, l'Espagne ou la Grèce".
Le président chilien définit son style de gouvernement en une formule lapidaire : "Faire les choses bien, avec un souci d'urgence, de façon transparente et honnête." Interrogé sur le sort des Mapuche, les Indiens du sud du Chili qui revendiquent les terres de leurs ancêtres confisquées par la dictature du général Pinochet, M. Piñera annonce deux mesures : "Une réforme urgente de la Constitution reconnaissant les droits des peuples 'originaires'."
La seconde mesure, qu'il compare au plan Marshall, favorisera le développement économique des communautés mapuche et la reconnaissance de la propriété de la terre. "J'ai toujours été un amoureux de la France, conclut le chef de l'Etat, rappelant que son père est né en France en 1917, quand les bombes tombaient sur Paris." "J'étais à Paris pendant les événements de Mai 68, précise-t-il en souriant, émerveillé par les consignes des étudiants qui prônaient l'imagination au pouvoir."
Avant Paris, M. Piñera s'était rendu à Londres, où il a été reçu par la reine Elisabeth et le premier ministre, M. Cameron. Il terminera sa première tournée en Europe par une étape à Berlin.
Christine Legrand