mercredi 24 août 2011

CECILIA S’OCCUPE DU SOCIAL, QUI N’ATTIRE GUÈRE PIÑERA


Née en 1954, Cecilia Morel Montes est issue d’une famille de classe moyenne supérieure. Jeunesse dans un quartier aisé de la capitale, collège privé: on ne manque de rien chez les Morel même si l’on n’appartient pas à la grande aristocratie chilienne. Comme beaucoup de jeunes filles de son milieu, elle entreprend des études supérieures dans le domaine social : diplôme d’infirmière, suivi d’un autre en orientation familiale. C’est d’ailleurs sur les bancs de l’Université catholique qu’elle rencontre Sebastián Piñera, avec qui elle se marie à 19 ans avant de le suivre à l’université de Harvard aux Etats-Unis. On est en décembre 1973, trois mois après le coup d’Etat de Pinochet.

Discrète, elle accompagnera l’ascension économique et politique vertigineuse de son mari. En introduisant dès les années 80 le système de cartes de crédit au Chili, en investissant dans la compagnie aérienne Lan Chile ainsi que dans une chaîne de télévision privée, celui-ci a fait fortune et se hisse au 701e rang du classement Forbes des personnalités les plus riches de la planète. Et puis, le 18 janvier 2010, c’est la consécration. Sebastián Piñera gagne les élections présidentielles et ramène la droite chilienne au pouvoir après vingt ans de domination des partis de centre-gauche.

Alors que les épouses des précédents présidents s’étaient faites relativement discrètes, Cecilia Morel se voit assigner la lourde fonction d’apporter une touche sociale et émotive à la présidence, tant son mari peine à quitter sa stature d’homme d’affaires pour celle d’homme d’Etat. Impétueux, imprévisible, maladroit en termes de communication, le style Piñera passe mal auprès de nombreux Chiliens habitués, il est vrai, à la bonhomie de Michelle Bachelet. "Il manque certains filtres au Président pour dire les choses", reconnaît le sénateur Hernán Larrain dans un article d’ "El Mostrador".

Cecilia Morel tente de combler le vide lors de déplacements. Ainsi, à la mine San José, elle sympathisera avec les épouses des mineurs qui attendent anxieusement le retour de leur mari coincé à 600 mètres sous terre. Le jour du sauvetage, la rumeur dit qu’elle aurait rappelé à l’ordre le Président qui souhaitait descendre lui-même au fond de la mine à bord de la capsule.

Pour l’heure, les manifestations des étudiants du secondaire et du supérieur qui durent depuis trois mois ont fait chuter la cote de popularité de son mari à 29%. Celui-ci semble en effet complètement dépassé par l’ampleur de la protestation.

La Première dame a donc établi un plan de communication avec Andrés Chadwick, le porte-parole du gouvernement, et s’est rendue au Sud du pays soutenir les familles victimes du tremblement de terre de l’année dernière. Elle a aussi rencontré les habitants d’un village de la côte contaminé par les rejets polluants d’une centrale thermique. L’objectif est clair: améliorer l’image du chef de l’Etat.

Mais les coups viennent aussi du cœur de la coalition de droite qui gouverne le pays depuis un an et demi. Sebastián Piñera incarne en effet un secteur ultra-libéral mais peu conservateur, dont le modèle serait plutôt Nicolas Sarkozy ou David Cameron. Or, cette tendance, pour des raisons électorales, doit cohabiter avec une droite pinochetiste, ultraconservatrice, proche de l’Opus Dei, qui voit d’un mauvais œil tout type de changement.

Ce secteur-là, Cecilia Morel tient fortement à s’en démarquer : "Je ne me suis jamais sentie appartenir au monde des aristocrates, car ils n’acceptent pas Sebastián, excepté les plus intimes. Ils nous rejettent car nous avons voté "non" (NdlR: au plébiscite organisé par Pinochet en 1988). A l’époque de Pinochet, je descendais dans la rue frapper sur les casseroles. Mes amis intimes m’ordonnaient de rentrer à la maison. On ne se parlait plus pendant six mois", explique-t-elle dans la revue "Paula".

Carte sociale et émotionnelle au sein du couple présidentiel, Cecilia Morel remplit son rôle parfaitement pour l’instant. Néanmoins, le schéma est peut-être un peu trop classique pour un pays qui reste encore marqué par le charisme de Michelle Bachelet, qui, divorcée, a exercé son mandat sans l’appui d’aucun conjoint.