Marcos Vásquez Meza, nouveau directeur national de la PDI. Photo Juan Eduardo López
Le scandale éclate début juin lorsque l’émission Contacto, de la chaîne de télévision catholique Canal 13, diffuse une enquête approfondie intitulée les Anges de Charly. Carlos Parra Ruiz, alias Charly, dirige le cabaret Pandemonium et l’hôtel-bar Louisiana, en réalité deux bordels où tapinent des mineures âgées de 12 à 17 ans. Il finit par être arrêté en 2007 et condamné à huit ans de prison ferme.
Gloria Valenzuela une des victimes. Photo Canal 13
Tiroir. L’affaire aurait pu s’arrêter là si l’une des filles de Charly, Gloria Valenzuela, âgée de 23 ans, n’avait déposé plainte contre des policiers d’investigation (PDI, équivalent de la police judiciaire française), les accusant d’avoir abusé d’elle dès ses 12 ans et de l’avoir même mise enceinte. Sa plainte finit dans un tiroir.
Mais le sous-commissaire qui a recueilli sa déclaration, Héctor Guzman, refuse de se taire. Il tente de se faire entendre… et finit licencié par l’institution pour faute grave. Il envoie alors une lettre à la présidente chilienne, Michelle Bachelet, qui reste sans suite. C’est à ce moment qu’il contacte le journaliste Elias Sanchez de l’émission Contacto. Témoignages, photos, mails… les preuves accablantes s’accumulent. Une quinzaine de filles mineures et sans ressources ont trouvé refuge chez Charly, qui leur assure gîte et couvert, les prostitue et les maintient dépendantes grâce à la drogue.
Ceux qui sont censés les protéger, les policiers d’investigation, passent souvent leurs nuits de service dans leur chambre, arme et badge sur la table de nuit. Une fête est même organisée avec les mineures dans les bureaux de la PDI de Valparaíso.
«Volonté». Le scandale n’a coupé, jusqu’ici, qu’une seule tête, celle du directeur national de la PDI, Arturo Herrera. Quant aux policiers accusés, ils sont en liberté. Seule contrainte : ils n’ont pas le droit de s’approcher des victimes. Héctor Guzman, qui avait fui en Argentine à la mi-juin parce que sa vie aurait été en danger, est revenu au Chili fin août.
Quant aux victimes, elles n’ont rien obtenu jusqu’ici. La députée de gauche et avocate Laura Soto, qui les défend, a tenté en vain de leur fournir protection et ressources. L’élue, membre de la coalition au pouvoir et qui a été elle-même menacée de mort, dénonce la lenteur de la justice et le refus de la PDI d’enquêter. «Et ce qui me fait le plus mal, souligne-t-elle, c’est qu’il n’y a pas non plus de volonté de la part du gouvernement de Michelle Bachelet de faire toute la lumière sur ce scandale… Pour ne pas entacher le prestige de l’institution !»
Une institution en effet respectée des Chiliens et considérée comme la moins corrompue d’Amérique latine. Or, cette «affaire Charly» semble n’être que la partie émergée de l’iceberg. Un réseau de prostitution de mineurs continuerait de prospérer dans le port de Valparaíso.
CLAIRE MARTIN