mercredi 10 août 2011

CHILI : LES ÉTUDIANTS SE SOULÈVENT CONTRE LES RESTES DE L'ÈRE PINOCHET

CAMILA VALLEJO DIRIGEANTE DU SYNDICAT DES ETUDIANTS DE L'UNIVERSITE DU CHILI

Démarré en juin dernier, ce mouvement a été lancé par le corps enseignant et la jeunesse étudiante, représentée par exemple par Camila Vallejo, militante des jeunesses communistes chilienne et présidente de la Fédération des étudiants de l'Université du Chili. Soutenus par près de 80% de la population, selon un sondage, ils interpellent le gouvernement conservateur de Sebastian Piñera, le milliardaire élu en 2010, pour en finir avec le système éducatif hérité de l'époque Pinochet.

PHOTO LUIS HIDALGO / AP
UN SYSTÈME LIBÉRALISÉ PAR PINOCHET

"¡ Y va a caer, y va a caer, la educación de Pinochet !" ("Et elle va tomber, et elle va tomber, l'éducation de Pinochet !") scandaient les manifestants durant la marche organisée à Santiago. Le système éducatif chilien fonctionne essentiellement sur le modèle de l'université privée. Les facultés publiques, sous-dotées, n'ont pas bonne réputation.

PHOTO SEBASTIAN SILVA / AP
Petit rappel historique : après le coup d'Etat et la chute du président Allende le 11 septembre 1973, le nouveau pouvoir réduit les dépenses publiques. Dans le domaine de l'éducation, le gouvernement décide, entre autre, une réduction drastique de ses programmes d'aides, dont les bourses pour les étudiants modestes. En 1980, la réforme de l'université permet de libéraliser le système. Désormais, chaque formation a son propre prix et les diplômes, en fonction de l'établissement, donnent accès à des emplois plus ou moins biens rémunérés.

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ENDETTEMENT SUR QUINZE ANS

Aujourd'hui, les manifestants reprochent à l'Etat de ne consacrer que 4,4% de son PIB à l'éducation, bien en deçà des 7 % recommandés par l'Unesco. Le Chili jouit pourtant d'une croissance solide: 9,8 % au premier trimestre 2011, un chiffre inédit depuis 16 ans.

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"L'université coûte l'équivalent de 400 à 600 euros mensuels, qu'elle soit publique ou privée. Je paie 600 euros par mois pour la scolarité de mon fils à l'université Adolfo Ibañez. Imaginez lorsque vous avez trois ou quatre enfants à charge pour un salaire moyen de 900 euros. C'est impossible de joindre les deux bouts", observe un fonctionnaire et diplomate chilien résidant à Santiago. C'est pourquoi les étudiants et leurs parents s'endettent en contractant des prêts, parfois sur quinze ans, afin de s'inscrire dans le supérieur.

Si la mobilisation de mardi a marqué un record de participation à travers tout le pays, les revendications estudiantines ne sont pas nouvelles. En 2006, la présidente socialiste, Michelle Bachelet, à peine élue, faisait face à un mouvement de contestation étudiant contre le prix des transports et des tarifs scolaires, comme l'a raconté Rodrigo Torres, étudiant au Chili à l'époque, sur le blog Carnet du Chili. Sur le fond, rien n'a réellement changé.

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"CACEROLAZO"

La manifestation de mardi s'est achevée par des heurts entre policiers et manifestants, qui ont employé, pour la première fois depuis les années 1980, les bruits de casserolles, appelés "cacerolazo". Le chef de l'Etat, dont la côte de popularité n'est qu'à 26 %, selon un récent sondage, a réuni, ce mercredi, son équipe gouvernementale. Il pourrait par exemple décider d'assouplir les exigences pour l'obtention des prêts étudiants et étendre l'accès aux bourses universitaires.

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Mais la contestation semble s'étendre à d'autres problématiques que la seule question éducative. "Plus qu'un mouvement étudiant, c'est un ras le bol face a un système dont la grande majorité se sent exclue car si l'éducation est un désastre, le systeme de santé en est un aussi", note ainsi Helen Herting, une lectrice du Monde.fr résidant au Chili.

Mathias Destal