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15 NOVEMBRE 2018. DES MILLIERS DE MAPUCHES MANIFESTENT DANS LES RUES DE SANTIAGO DU CHILI APRÈS LA MORT D’UN JEUNE ABATTU D’UNE BALLE DANS LA NUQUE. PHOTO MARTIN BERNETTI |
L’Araucanie est en ébullition à la suite du meurtre d’un Amérindien. Les peuples originaires sont toujours victimes de la loi antiterroriste héritée de Pinochet.
La mort de Camilo Catrillanca d’une balle dans la nuque a ravivé les tensions latentes entre le peuple mapuche et le pouvoir central chilien. Deux nouvelles journées d’actions étaient prévues jeudi et vendredi en Araucanie contre la militarisation de ces territoires ancestraux revendiqués par les peuples originaires. Le gouvernement de Sebastian Piñera tente de sauver la face. En vain, malgré la démission de Luis Mayol, intendant de l’Araucanie, et le limogeage du chef de la police chilienne, le général Hermes Soto, par le président. La découverte de vidéos – dans un premier temps déclarées inexistantes par Hermes Soto, qui s’est, par la suite, rétracté, en déclarant qu’elles avaient été détruites (sic) – montrent que Camilo Catrillanca a bel et bien été tué par des carabiniers, mais pas au cours d’un affrontement comme l’ont soutenu les autorités.
Le 14 novembre, ce jeune Mapuche de 24 ans conduisait son tracteur lorsqu’il a été abattu à Ercilla par le commando Jungle – un corps formé à la contre-insurrection en Colombie ! –, alors en chasse contre des présumés voleurs de voitures et qui a ouvert le feu après être tombé sur un barrage érigé par des Mapuches. Cette sombre affaire révèle, une nouvelle fois, les mensonges d’État dès lors qu’il s’agit de justifier la répression à l’œuvre contre les communautés indigènes, qui mènent un combat historique pour la reconnaissance de leurs traditions et la restitution de leurs terres bradées aux multinationales.
Sebastian Piñera fait la sourde oreille aux injonctions de l’ONU
En dépit du limogeage du général et de la nommination d’un nouveau directeur des caribiniers, Mario Rozas qui a annoncé le retrait définitif du commando Jungle de la région, les tensions politiques persistent. Des voix s’élèvent pour que le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Andrés Chadwick, démissionne de ses fonctions. « Un petit groupe de carabiniers a provoqué une grave crise de crédibilité, d’honnêteté et d’efficacité concernant la tâche réalisée par les carabiniers du Chili (…), une crise qui traîne depuis bien trop longtemps », a déclaré Sebastian Pinera, espérant ainsi que les agents incriminés, et démis depuis de leurs fonctions, servent de fusibles. Prétextant les agissements de groupes minoritaires, responsables d’incendies volontaires contre des bâtiments officiels et des entreprises, le pouvoir mène une campagne de dénigrement des peuples originaires, allant jusqu’à monter de toutes pièces de fausses attaques, comme ce fut le cas l’an dernier, pour justifier la chasse aux sorcières à laquelle se livre l’État dans le sud du pays. On rappellera que l’immense majorité des détenus dans cette région sont mapuches.
Ils restent les principales victimes de la très controversée loi antiterroriste héritée de la dictature de Pinochet, qui criminalise les actions sociales et les pénalise plus lourdement que le reste de la population. À plusieurs reprises, l’ONU a rappelé à l’ordre l’exécutif chilien, quelle que soit son étiquette politique, en exigeant de lui qu’il abroge cette législation et qu’il applique la convention 169 de l’Organisation internationale du travail, signée en 2007 par l’ancienne présidente socialiste Michelle Bachelet, relative aux droits des peuples originaires. Sur ce point, Sebastian Piñera fait la sourde oreille, ou, plus exactement, refuse d’en entendre parler. S’il a été forcé de reconnaître la bavure des autorités locales, le chef de l’État persiste dans la voie répressive, en qualifiant l’action de quelques-uns de « terrorisme » afin de maintenir une militarisation à outrance dans ce territoire disputé.