mercredi 12 décembre 2018

MORT DE L’ANCIEN PRÉSIDENT COLOMBIEN BELISARIO BETANCUR

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BELISARIO BETANCUR, EN 
OCTOBRE 2012, À BOGOTA. 
PHOTO MAURICIO DUEÑAS 
Elu en 1982, il est le premier chef d’État a tendre la main aux mouvements armés, dont la guérilla marxiste des FARC.
DALITA NAVARRO ET BELISARIO BETANCUR
PHOTO JET-SET 
l’histoire lui a donné raison : la paix négociée avec la guérilla marxiste des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) était possible. Premier chef d’État à avoir tendu la main aux rebelles, Belisario Betancur est mort à Bogota le 7 décembre à l’âge de 95 ans. Depuis qu’il avait quitté le pouvoir, il y a quarante ans, l’ancien président vivait retiré de la vie politique, entouré de ses livres, de ses amis peintres et poètes, de sa seconde épouse, l’artiste vénézuélienne, Dalita Navarro. Belisario Betancur était de tous les vernissages et de tous les concerts, silencieux sur les événements tragiques qui ont marqué les derniers mois de son mandat. Il a célébré en 2016 la paix finalement signée avec les FARC.

Belisario Betancur est né le 4 février 1923 à Amaga, un village perdu dans la cordillère des Andes au cœur du département d’Antioquia. Son père était muletier. Des vingt et un enfants auxquels sa mère a donné le jour, seize sont « morts de sous-développement ». Les fils de pauvres sont rares au sein de la classe politique colombienne. C’est grâce aux curés que Belisario Betancur a pu entrer au lycée puis à l’université jésuite de Medellin. Avant de terminer ses études de droit, il y a épousé Rosa Alvarez dont il a eu trois enfants.

À l’époque, on naît et on est conservateur ou libéral en Colombie, au gré des régions et des familles. Né conservateur, Belisario Betancour l’est resté. Mais, tout au long de sa vie, cet homme cultivé se montrera plus libéral que nombre de ses adversaires politiques. Député dans les années 1950, ministre du travail en 1963, ambassadeur en Espagne dix ans plus tard, Belisario Betancur se présente trois fois à la présidence, avant de l’emporter en 1982. Le pays, vieil habitué de la violence politique, découvre alors celle des trafiquants de drogue. En 1984, Rodrigo Lara Bonilla, le ministre de la justice du gouvernement Betancur, est assassiné. Ce crime attribué au célèbre trafiquant de drogue Pablo Escobar marque le début de la confrontation entre l’État colombien et la mafia. Elle fera des milliers de morts.

Non-aligné

Dès son arrivée au pouvoir, Belisario Betancur a tendu la main aux mouvements armés : « Je lève devant le peuple de Colombie le drapeau haut et blanc de la paix, je le lève devant les opprimés et devant les persécutés, je le lève devant mes compatriotes de tous les partis et devant les sans-parti. » Une trêve est signée avec les trois principaux mouvements guérilleros du moment (FARC, M19 et Armée populaire de libération). Les murs de Bogota se couvrent de colombes blanches et autres graffitis pour la paix.

Parallèlement, le « président surprise » – comme le définit alors le socialiste espagnol Felipe Gonzalez – prend ses distances avec Washington et engage la Colombie dans le mouvement des pays non-alignés et dans le Groupe dit de Contadora qui tente de mettre fin aux guerres civiles d’Amérique centrale. Mais, en Colombie, Belisario Betancur est seul : la classe politique rechigne à la paix, les militaires ne le suivent pas. La trêve fait long feu.

Le 6 novembre 1985, un commando du M19 pénètre dans le palais de justice de Bogota et prend en otage plus de 300 civils. Sans négociations, l’armée prend d’assaut le bâtiment : il n’y aura pas de quartier. L’image des tanks gravissant les escaliers du haut tribunal en flammes fait le tour du monde. Plus de cent personnes sont tuées, dont onze magistrats de la Cour suprême. Le président Belisario Betancur assumera dans les heures qui suivent l’entière responsabilité des faits. Mais la question de savoir s’il a été débordé par les militaires, s’il y a eu de fait un « coup d’État », hante la mémoire du pays.

La Colombie est encore sous le choc du massacre quand, le 13 novembre, l’éruption du volcan Nevado del Ruiz provoque une coulée de boue qui emporte sur son passage la ville d’Armero. Plus de 25 000 personnes trouvent la mort. Les autorités locales n’ont pas donné l’alerte, les secours ont travaillé dans le désordre. Six mois plus tard, le président quitte le pouvoir. Inlassablement interrogé sur sa responsabilité dans le drame du palais de justice, Belisario Betancur a refusé de livrer de son vivant les secrets de ces jours dramatiques.

Belisario Betancur en quelques dates