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Depuis le 12 mai, des milliers d'étudiants protestent dans les grandes villes du pays pour le droit à une éducation publique et gratuite. Le président chilien est donc engagé dans un bras de fer avec la jeunesse. Mais aujourd'hui, la contestation s'étend aux autres groupes sociaux qui avaient cru en la promesse d'une "nouvelle droite piñeriste": une droite post-Pinochet, modernisatrice et sociale, soucieuse des classes populaires.
Ouvriers, militants homosexuels et écologistes ont rejoint les étudiants. Tous participent à cet "hiver chilien" qui a réuni le 9 août entre 60 000 et 150 000 personnes à Santiago, la capitale. "Il y a aujourd'hui une convergence des revendications portées par les mouvements sociaux. A cela s'ajoutent les effets de la crise financière internationale" analyse Frédérique Langue, directrice de recherche au CNRS et spécialiste de l'Amérique Latine à l'EHESS.
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Si la crise est d'abord sociale, ses conséquences, elles, sont politiques. Selon un sondage de l'institut Adimark, Piñera est aujourd'hui désapprouvé par 62% de la population, un niveau d'impopularité record. La popularité de Piñera était pourtant montée en flèche en octobre 2010, après le sauvetage des 33 mineurs bloqués sous terre dans le désert d'Atacama. Cette libération très médiatique lui avait permis d'asseoir sa légitimité dans un contexte d'euphorie nationale: 63% de la population le jugeait alors positivement. Mais dès novembre, l'enthousiasme retombe. "La popularité de Piñera après la libération des mineurs était artificiellement élevée: elle ne pouvait que baisser par la suite" estime Simon Escoffier, étudiant chilien à la London School of Economics.
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Si la crise est d'abord sociale, ses conséquences, elles, sont politiques. Selon un sondage de l'institut Adimark, Piñera est aujourd'hui désapprouvé par 62% de la population, un niveau d'impopularité record. La popularité de Piñera était pourtant montée en flèche en octobre 2010, après le sauvetage des 33 mineurs bloqués sous terre dans le désert d'Atacama. Cette libération très médiatique lui avait permis d'asseoir sa légitimité dans un contexte d'euphorie nationale: 63% de la population le jugeait alors positivement. Mais dès novembre, l'enthousiasme retombe. "La popularité de Piñera après la libération des mineurs était artificiellement élevée: elle ne pouvait que baisser par la suite" estime Simon Escoffier, étudiant chilien à la London School of Economics.
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La popularité de Piñera, gonflée par la libération des mineurs, ne pouvait que baisser
Piñera lui-même est responsable, pour partie au moins, du mécontentement. Pendant la campagne présidentielle, le candidat a multiplié les promesses électorales. Il s'était engagé à réformer tout en maintenant les programmes sociaux mis en oeuvre par la socialiste Michelle Bachelet. Nombre de ces promesses de campagne n'ont pas été tenues, ou tardent à être concrétisées. Ainsi, l'union civile pour les couples homosexuels, promise en 2010 pendant la campagne, n'a été remise sur la table que le 9 août, pour calmer le jeu.
La mauvaise gestion de crise après le séisme dévastateur du 27 février 2010, la lenteur de la reconstruction notamment, ont mis en évidence les limites du discours de Piñera. "L'écart entre les promesses électorales et les politiques mises en oeuvre explique l'impopularité du chef de l'Etat. Piñera a été élu sur un discours modernisateur centré sur de la notion d'efficacité. Le sauvetage des mineurs symbolisait parfaitement cet idéal. Mais très rapidement, des problèmes sont apparus, et la population a mis en doute ce discours", analyse Patricio Navia, professeur à l'université Diego Portales de Santiago.
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Piñera, symbole des inégalités sociales
Autre explication: Piñera est le symbole même des inégalités sociales qui persistent au Chili. Et la justice sociale figure précisément au centre des revendications des manifestants. Formé à Harvard, propriétaire d'une fortune s'élevant à 2,4 milliards de dollars, le chef de l'Etat incarne cette élite chilienne qui a profité de la croissance économique.
Son parcours a donc rendu la mobilisation plus facile: "C'est une révolte sociale contre un homme d'affaire de droite qui incarne les nouveaux riches, ce qui n'était pas le cas de Bachelet, contre laquelle il aurait été plus difficile de manifester" analyse une journaliste franco-chilienne de Santiago. "Piñera est à la fois le symbole et le catalyseur du mécontentement. Sa personnalisation dans l'exercice du pourvoir et ses liens avérés avec les milieux d'affaires ont joué un rôle dans la mobilisation. Mais le problème de fond semble être le modèle libéral lui-même" remarque de son côté Frédérique Langue.
A ce jour pourtant, le système politique chilien semble relativement préservé. Les manifestants eux-mêmes ne sont pas révolutionnaires. "Le désenchantement politique n'est pas général. Les manifestants veulent simplement améliorer le système, le rendre plus juste, et surtout, pouvoir y participer: c'est pour cela qu'ils exigent une meilleure éducation", analyse Patricio Navia.
Piñera pourra-t-il reconquérir l'opinion? Le président conserve une petite marge de manoeuvre. D'abord parce que les Chiliens désapprouvent l'opposition avec une même vigueur. La Concertación, coalition politique de centre-gauche qui a gouverné le Chili pendant vingt ans, ne recueille en effet que 20% d'opinions favorables. Ensuite parce que si 72% de la population approuve les manifestations, la grande majorité n'est pas descendue dans la rue.
Piñera n'en a pas moins été contraint de remanier son gouvernement, le 18 juillet. Et de limoger son ministre de l'Education, Joaquín Lavin, un ancien collaborateur de Pinochet.