Autrement dit, au cœur des vallées sauvages d'un des derniers sanctuaires naturels du monde, la Patagonie. Pour un investissement de 2,2 milliards d'euros, ce projet gigantesque apportera 2750 mégawatts à un pays en pleine croissance, augmentant de 20 % ses capacités énergétiques. Mais HydroAisen est loin de faire l'unanimité.
Le mois dernier, après trois ans d'études d'impact et 2600 observations, la commission régionale d'évaluation environnementale a donné son feu vert à la construction des cinq barrages en Patagonie. Le jour même, des manifestations étaient organisées dans de nombreuses villes. Depuis, la polémique enfle et les manifestations d'hostilité au projet se multiplient, dans les rues comme sur Internet. On a vu jusqu'à 40.000 personnes défiler dans les rues de Santiago, la capitale, pour clamer leur désaccord. Le président conservateur Sebastian Piñera, au faîte des sondages depuis l'opération de secours des mineurs de Copiapo, est tombé à 56 % d'opinions défavorables.
Pour ses détracteurs, HydroAisen est un projet opaque et superflu, qui servira surtout à satisfaire l'appétit énergétique de la puissante industrie minière. Il est impensable, pour les défenseurs d'une des dernières réserves naturelles du monde, de laisser défigurer les paysages patagons en autorisant Endesa-Colbun à inonder 5900 hectares à 1800 km de Santiago. «Les barrages vont engloutir une grande partie d'une zone de très grande valeur en termes d'écosystèmes et de culture ; ils auront un impact catastrophique sur l'économie», explique Mitzy Urtuvia, membre du collectif «Patagonie sans barrages». «Les études d'impact sur la flore et la faune réalisées pour ce projet sont sous-estimées, notamment sur les mammifères comme le cerf chilien et les oiseaux endémiques qui sont des espèces protégées», ajoute Matias Asún, directeur de Greenpeace Chili. Afin d'acheminer l'électricité vers le nord, HydroAisen prévoit d'installer 2000 km de lignes, câbles et pylônes. Une cicatrice indélébile pour la région, disent les opposants.
Sécurité d'approvisionnement
De leur côté, les défenseurs d'HydroAisen répètent que l'hydroélectrique est une énergie propre. Contrairement aux centrales thermiques, qui procurent une bonne partie de son énergie au Chili, elle ne rejette pas ou peu de CO2 dans l'atmosphère.
Endesa assure aussi que les cinq barrages fourniront «un apport très conséquent» à la sécurité d'approvisionnement du pays. Le Chili, qui importe l'essentiel de ses hydrocarbures, est fragilisé par les hausses des cours des matières fossiles et les niveaux bas de ses réservoirs. Selon le gouvernement, le pays est passé tout près de rationnements en début d'année. «Nous devons doubler notre capacité de génération en dix ans, si nous voulons avoir une croissance de 6 %», insiste le président Piñera, favorable au projet.
Pour bloquer le chantier, le collectif «Patagonie sans barrages» peut encore faire appel à la justice. Il promet une «guérilla juridique», selon son secrétaire Patricio Rodriguez, et entend multiplier les manifestations. Selon un sondage, 61 % des Chiliens sont opposés à ces barrages.