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UNE « CARAVANE » DE MIGRANTS HONDURIENS S’INVITE DANS LA CAMPAGNE AMÉRICAINE MARIAN KAMENSKY |
Trump menace de recourir à l’armée contre des milliers de Honduriens candidats à l’entrée sur le sol des États-Unis, parvenus au Mexique.
des milliers de Honduriens ont forcé, vendredi 19 octobre, le passage à la frontière entre le Guatemala et le Mexique face à des policiers guatémaltèques dépassés. Les pressions du président américain, Donald Trump, pour stopper cette « caravane » de migrants n’ont pas découragé les participants de poursuivre leur route vers les États-Unis. Ce jour-là, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, était en visite à Mexico, en pleines tensions migratoires entre les deux pays.
« Laissez nous passer ! », criait la foule de migrants, avant de rompre la frêle grille d’un des ponts qui séparent le Guatemala et le Mexique. Quelques mètres plus loin, la « caravane » a été stoppée net par d’épaisses barres métalliques que les migrants ont tenté de casser. Dans une ambiance de chaos, les quatre cents policiers antiémeute mexicains déployés pour l’occasion ont lancé des gaz lacrymogènes, parvenant à rétablir l’ordre. Les migrants ont ensuite été filtrés en petits groupes par les services migratoires, sous une chaleur étouffante. Les images diffusées par les médias mexicains ont montré des femmes et des enfants s’écroulant sur le sol, épuisés par leur périple de plus de 670 kilomètres à pied, ou en stop pour les plus chanceux.
« Nous sommes des pays amis, mais souverains»
Quelque 2 000 migrants avaient quitté, samedi 13 octobre, San Pedro Sula, seconde ville du Honduras, répondant à un appel lancé sur les réseaux sociaux. En chemin, leur « caravane » a été rejointe par d’autres candidats au rêve américain, portant leur nombre à 6 000 selon les organisateurs de la « caravane », 3 000 selon les autorités mexicaines.
Furieux, Donald Trump a brandi, jeudi, un possible recours à l’armée pour fermer la frontière avec le Mexique si son voisin du sud ne stoppait pas cette marée humaine. Le président des Etats-Unis a aussi menacé de couper l’aide américaine aux pays d’Amérique centrale concernés. « La politique migratoire mexicaine n’est définie que par le Mexique, a répliqué, vendredi, le secrétaire aux affaires étrangères mexicain, Luis Videgaray Caso. Nous sommes des pays amis, mais souverains. » A ses côtés, M. Pompeo a déclaré que « le président Trump a été clair sur le thème le plus important que nous affrontons aujourd’hui (…). L’immigration [clandestine] arrive à un niveau de crise. »
A moins de trois semaines des élections américaines de mi-mandat, prévues le 6 novembre, la controverse offre l’occasion au président des Etats-Unis de remettre la lutte contre l’immigration au cœur de la campagne électorale comme en 2016. L’administration américaine est confrontée à une multiplication des passages illégaux, à en croire les statistiques d’arrestations de sans-papiers. Après une première hausse au début de l’année, la Maison Blanche avait répliqué par une politique drastique de séparation des familles de migrants. Mais M. Trump a dû y renoncer face à l’émoi suscité, y compris dans les rangs républicains.
Des migrants honduriens dorment sur le pont entre le Guatemala et le Mexique, à Ciudad Hidalgo, le 19 octobre.
Cette nouvelle hausse des entrées de clandestins a relancé au sein de la Maison Blanche la tentation d’annoncer des mesures encore plus sévères. Ses salves contre l’avancée de la « caravane » permettent aussi à M. Trump de détourner l’attention sur son bilan en demi-teinte, si on se fie à son incapacité à obtenir du Congrès le financement du « mur » qu’il a promis d’ériger à la frontière sud des États-Unis. Au point de menacer, à demi-mot, Mexico de torpiller le nouvel accord de libre-échange conclu entre le Mexique, les États-Unis et le Canada, qui n’a pas encore été ratifié.
De l’autre côté de la frontière, les réactions aux propos de M. Trump ne se sont pas fait attendre. « Le thème migratoire n’a rien à voir avec le nouveau traité entre nos pays », a répliqué, jeudi, le ministre de l’économie, Ildefonso Guajardo. Devant les sénateurs, le ministre de l’intérieur, Alfonso Navarrete, a, lui, répété : « Il nous a demandé des expulsions massives, nous avons répondu non ! »
« Nous ne sommes pas des criminels, nous sommes des travailleurs », scandaient, vendredi, à l’entrée du Mexique, les milliers de migrants, fuyant la misère et la violence au Honduras. Le pays affiche un des taux d’homicides les plus élevés au monde (43 pour 100 000 habitants), et 68 % de ses neuf millions d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
« Alternatives aux expulsions »
Vendredi, M. Videgaray a assuré que « la loi sera appliquée en respect des droits de l’homme, pour l’intérêt des migrants ». La veille, il a demandé l’aide du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Dans la foulée, le gouvernement annonçait que les titulaires d’un visa pourraient entrer sur le territoire mexicain et que les demandeurs d’asile seraient reçus par les services de l’immigration. Le communiqué précisait aussi que ceux qui enfreignent la loi seront expulsés.
L’alternance politique à venir pourrait changer la donne pour les migrants. Andres Manuel Lopez Obrador, le futur président, élu triomphalement le 1er juillet, qui entrera en fonctions le 1er décembre, promet des visas de travail aux Centraméricains. « Il faut proposer des alternatives communes aux expulsions », a déclaré, jeudi, M. Lopez Obrador. Son futur ministre des affaires étrangères, Marcelo Ebrard, s’est entretenu, vendredi, avec M. Pompeo, dans l’espoir de persuader Washington de troquer sa politique migratoire répressive contre un programme régional visant à doper les possibilités d’emploi et de développement des Centraméricains pour éviter leur exode.
Sous le couvert de l’anonymat, un des organisateurs de la « caravane » a déclaré que les deux tiers des participants étaient déterminés à fouler le sol des États-Unis. Le reste serait, selon lui, intéressé par le statut de réfugié au Mexique, où les demandes d’asile se sont multipliées, passant de 2 137 en 2014 à 14 596 en 2017. Neuf sur dix proviennent de citoyens du Honduras, du Salvador et du Guatemala. Mais, en 2017, la quasi-totalité a été rejetée.