Chef des armées depuis 1959
RAUL CASTRO EN 1960 |
Fidel Castro militait au Parti orthodoxe, éloigné des thèses marxistes. Et si Raul participe au catastrophique assaut de la caserne de la Moncada en 1953, il n'en approuve pas le principe car pour le parti, ce genre d'action est voué à l'échec et nuit à la cause. Quand les deux frères s'installent au Mexique après avoir été graciés par Batista en 1955, c'est Raul qui rencontre Che Guevara, la future icône de la révolution cubaine. Ils ont de longues discussions politiques. Ils partagent la même admiration pour l'Union soviétique. Raul présente l'Argentin à Fidel qui sera impressionné par le personnage.
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RÉVOLUTIONNAIRE FRANCO CUBAIN PAUL LAFARGUE |
«Raul était la cheville ouvrière du régime. Fidel a souvent humilié son frère mais au final, il suivait toujours ce que disait son frère» explique le dissident cubain Jacobo Machover. Ainsi en 1989, quand Raul a pensé qu'il fallait opérer une purge au sein de l'armée pour percer l'abcès de la corruption, sa main n'a pas tremblé en décidant la condamnation à mort du général Ochoa, un vieux compagnon de route que Fidel se refusait de voir sanctionné.
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«Raul Castro n'a jamais hésité a se montrer critique et à dénoncer publiquement les dérives du système. Salim Lamrami
Étouffé par une fonction publique pléthorique à la productivité quasi nulle, le pays végète. Les salaires sont tellement faibles qu'ils ne constituent pour la plupart des cubains qu'une aide sociale qui ne justifie pas un travail effectif. La «libreta» permet d'obtenir les produits de base. Pour le reste, chacun se débrouille comme il peut. Raul, communiste convaincu, est conscient que le système s'est déjà écroulé. Il a en tête le modèle vietnamien qui a déjà opéré sa mutation depuis plusieurs années.
«Raul Castro est connu pour sa franchise, explique Salim Lamrani, universitaire spécialiste des relation entre Cuba et les Etats-Unis. Il n'a jamais hésité à se montrer critique et à dénoncer publiquement les dérives du système.»
Contrairement à Fidel, Raul sait ce qui se passe dans les rues, les quartiers, les campagnes. A la tête de l'armée et des services de renseignements, il est informé de la réalité que vivent les Cubains. Il décide alors que le régime doit changer. Et le changement sera radical. L'une de ses premières décisions d'importance est de licencier 500 000 fonctionnaires!
Il comprend ensuite que, si le Venezuela d'Hugo Chavez a remplacé l'URSS depuis le début des années 2000 pour soutenir financièrement Cuba, le régime chaviste a mangé son pain blanc. Il va falloir se rapprocher d'autres pays pour assurer un redémarrage du pays. Pour cela, il faut montrer un visage apaisé de l'île communiste. Il doit trouver un interlocuteur intérieur. Impossible pour lui de discuter avec les représentants de la dissidence. Ils les méprisent et ce serait un aveu de faiblesse.
Ce sera donc l'église. Une chance: le cardinal Ortega à la tête de l'église cubaine est un homme de dialogue, sans dogmatisme, qui vise deux objectifs: améliorer la vie des Cubains et donner à l'église catholique plus de visibilité à Cuba. Pour Raul, il représente l'interlocuteur idéal. Ce sera donnant donnant: L'église devient le partenaire privilégié du pouvoir, marginalisant un peu plus les représentants de la dissidence. C'est avec elle que les libérations de prisonniers seront discutées. Et le pouvoir laisse la bride sur le cou à l'église: un grand pèlerinage de la virgen del Cobre est autorisé à traverser tout le pays. La création d'une université catholique s'ouvre dans le centre de La Havane.
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Enfin, il opère un rapprochement avec l'Union européenne qui accepte de sortir du dogmatisme anti communiste imposé par le très conservateur Jose Maria Aznar et surtout les contacts se renouent avec Washington. Sa chance a aussi été l'élection de Barack Obama en 2008, quelques mois après que lui-même remplace son frère à la tête de l'État cubain.
L'enterrement de Nelson Mandela fin 2013 en Afrique du Sud a été l'occasion d'une rencontre rapide mais hautement symbolique avec Barack Obama. Pour officialiser le rapprochement il a fallu attendre décembre 2014 et l'annonce simultanée par les deux chefs de l'Etat de la réinitialisation des relations diplomatiques, rompues depuis… 1960!
Si Fidel Castro est la figure emblématique de la révolution castriste, Raul en est probablement l'un des principaux bâtisseurs. Aujourd'hui, Raul Castro est officiellement l'homme fort de Cuba. Mais son mandat de chef de l'État expire en 2018. «Il respectera sa parole et se retirera, nous confie une source appartenant aux instances dirigeantes du régime. Il est en train de construire des institutions qui disposent de la légitimité nécessaire pour remplacer sa légitimité historique par une légitimité institutionnelle».
Raul va avoir 85 ans le 3 juin prochain. Fidel soufflera ses 90 bougies le 13 août 2016. Pour l'instant, rien ne filtre sur qui pourra succéder à la dynastie Castro qui dirige le pays depuis 57 ans.